l’œuvre de Jockum Nordström.
Son nom vous est peut-être connu grâce à la galerie Zeno X d’Anvers, mais il faut bien reconnaître que Jockum Nordström n’est pas un artiste particulièrement mis à l’avant-plan. Aussi son exposition personnelle d’importance au Lam de Villeneuve d’Ascq sera-t-elle une révélation pour la plupart d’entre nous. L’artiste suédois (il est né en 1963 à Stockholm) est par contre réputé en son pays où il fut l’invité du Moderna Museet avant de l’être à Londres en juillet prochain au Camden Arts Centre.
A part sans doute Carl Fredrik Reuterswärd et son pistolet noué en hommage à John Lennon, peu d’artistes suédois ont passé la rampe internationale et, plutôt qu’aux contemporains, c’est à quelques peintres et dessinateurs à la charnière des XIXe et XXe siècles que l’on rattachera Jockum Nordström. Ceux qui, à la manière des Anders Zorn pour les portraits, Bruno Liljefars pour l’attention portée aux animaux, voire Carl Olaf Larson pour les scènes de vie, ont célébré l’homme et la nature dans leur pays.
Un monde rêvé
Il n’est pas étonnant que cette exposition ait été conçue par le Lam qui s’attache fréquemment à trouver des voies singulières et inédites en France, pour le cas également en Belgique, et qui se distingue par sa collection d’art brut.
L’artiste suédois est borderline avec la contemporanéité ainsi qu’avec un type d’expression que l’on nomme également art différencié. Il n’appartient totalement à aucune de ces deux branches tout en travaillant en affinités avec elles. Il est donc un vrai original de l’art qui se construit, plus qu’un univers, un espace environnemental personnel qui englobe son imaginaire, l’histoire, la nature, son histoire, les relations à la société dans le vivre ensemble.
Tout son travail est une sorte d’hommage à l’homme pionnier de son propre état et de son devenir dans une considération du passé, du présent et de la nature. Il considère le travail, la collectivité humaine, les échanges, les rapports avec les éléments naturels, comme autant de composantes fondamentales de ce que nous sommes au monde et dans la société.
A travers une thématique qui reprend l’exemple des aventuriers conquérants de nouveau monde tels que le furent un moment des Suédois toujours proches de la nature végétale et animale, il raconte avec une simplicité parfois un peu désarmante comment le monde sociétal se construit, dans une solidarité, dans une générosité, dans un respect du naturel, en version rousseauiste nimbée d’une bienveillante innocence, voire d’une pincée de naïveté volontaire. Ce monde de labeur et de rapports humains est celui dont il rêve, pas celui qui nous entoure !
Distance poétique
Privé de peinture à l’huile pour raisons de santé, Jockum Nordström s’est tourné vers le dessin au graphite qu’il pratique avec une certaine gaucherie mais non sans précision, dans une tentative de langage à la fois premier (au sens de primitif) et appliqué, une manière de joindre le naturel à l’apprentissage. Son œuvre est la construction d’un monde, le sien, un peu autarcique, le nôtre par extension.
Pour élargir son registre artistique et rester au plus proche de ses préoccupations, il pratique le collage, le découpage, la mise en aquarelle de figurines humaines, animales ou végétales un peu enfantines. Ses matériaux sont pauvres, ordinaires, ses constructions architecturales par lesquelles il investigue dans les aspects sociétaux sont sommaires, réalisées avec des bouts de carton, de boîtes d’allumettes peintes.
Il travaille dans une économie de moyens loin des apports technologiques et brasse le temps dans les sujets qu’il aborde avec un brin de nostalgie, une dose de romantisme, un zeste d’ironie et une distance poétique qui le placent en situation de conteur échappé de son temps à la recherche d’un monde flottant, d’un paradis perdu.
Jockum Nordström, "Tout ce que j’ai appris puis oublié". Lam, musée d’art contemporain et d’art brut, allée du Musée, 59650 Villeneuve d’Ascq (Lille Métropole). Jusqu’au 19 mai. Du mardi au dimanche de 10h à 18h. Fermé le 1er mai