Zola, la conquête de Plassans

l'ordre chronologique des Rougon-Macquart

1. La Fortune des Rougon
2. La Curée
3. Le Ventre de Paris
4. La Conquête de Plassans

5. La Faute de l'Abbé Mouret
6. Son Excellence Eugène Rougon
7. L'Assommoir
8. Une Page d'amour

9. Nana
10. Pot-Bouille
11. Au Bonheur des Dames
12. La Joie de Vivre

13. Germinal
14. L'Oeuvre
15. La Terre
16. Le Rêve
17. La Bête Humaine

18. L'Argent
19. La Débâcle
20. Le Docteur Pascal

la conquête de Plassans se déroule comme la fortune des Rougon à Aix en provence, plassans dans le récit.

Il n'est pas utile d'avoir lu la fortune pour bien comprendre la conquête

les deux autres titres, La curée et le ventre de paris se déroulent dans la capitale.

Bonjour: une question sur l'amour fou.
Je lis en ce moment Zola "la conquête de plassans" la question: cette passion de Marthe Mouret , qui la rend folle, est-elle pour la religion ou sans le savoir pour l'abbé Faujas?
terrible ne pas se rendre compte de la destruction de sa famille.
merci d'avance

Attends un peu : je le commence lundi 20 fevrier; on en discutera sur le fil de la conquête de plassans

le peu que je me souvienne (il y a longtemps que je l'ai lu) c'était une passion transposée. La religion lui servant de pretexte, pour excuse d'aimer un religieux.
pardon ma Lointaine, mais lorsque l'on lit certains livres trop jeune,(c'était mon cas, je dévorais ) je pense que l'on ne comprend pas tout.
mais d'autres que moi, plus autorisés de par leur culture, te donneront des nouvelles plus fraïches de leurs lecturesut .
tu vois, tous les Grains te viennent en aide !

De bonnes raisons pour lire la conquête de Plassans

- Et voilà la famille Mouret ! le père est bien inconséquent de louer l'étage supérieur de sa maison à un inconnu dont l'intermédiaire qui le recommandait ne savait rien ! d'ailleurs cet inconnu arrive plus vite que prévu :

Zola le présente en une ligne en toute fin de chapitre, il soigne l'intéret du lecteur, puisqu'il incite ce lecteur à lire la suite, ou bien à reviser son jugement sur la première impression à la lecture...

Citation :

"ce diable d'homme, il ne demande rien et lui dit tout "

(fin chap IV)

- on subodore que les sujets politiques seront abordés : le jardin des Mouret jouxte celui des Rastoil et celui de la sous-préfecture : les rivaux, voire ennemis sont si proches que l'action en sera resserrée et devient une histoire de territoires, comme souvent chez Zola.

- Les romans du XIXe ne craignaient pas d'aborder les problèmes politiques (et sociaux), ce qui donne de la vigueur et une vue d'ensemble au panorama constitué. On l'avait vu avec Lucien Leuwen de Stendhal. Maintenant cette tendance semble disparâitre ou même avoir disparu. Dommage, on savait à quoi s'en tenir...

- le personnage "inquiétant", et pourtant capable de "douceur", famélique, de l'abbé Faujas, reste bien mystérieux : pourquoi a-t-il quitté Besançon ? et on trouve dans les 50 premières pages l'expression "conquête de Plassans" ; le mécanisme serait donc en marche ? Faujas me fait penser à "Faux jars"...

- les scènes visuelles deviennent symboliques : le regard de Faujas sur les jardins, sur celui de Mouret et les avoisinants, semble être celui d'un prédateur. Il plonge aussi sur la nuque penchée de Marthe !

que veut ce "diable d'homme" ? le mot revient plusieurs fois.

Zola n'a pas froid aux yeux : la religion et la politique dans le même élan, vu le contexte de la naissance du 2e empire, mettons 1851, et celui de son écriture (1874), il n évite pas les sujets épineux : on se souvient du "parti prêtre" qui a longtemps agi dans l'ombre et en plein jour; Et cet abbé Faujas, on sent bien qu'il va créer le désordre dans la Famille

Décidément, le thème de la Famille est d'actualité, au moment où de grandes manifestations se font au nom de la famille et voient descendre dans l'arène publique des cardinaux et des religieux mobilisant les paroissiens.

Plassans, donc devient un endroit stratégique, un terrain de manoeuvres, et on croit bien avoir trouvé le stratège ou l'instrument de la stratégie

Une famille qui sera terrassée par ce prêtre, que vient-il chercher à Plassans ? Et l’énigmatique personnage de sa mère, donne de l’effroi. Le point de vue de Ysandre sur Madame Mouret me semble tout à fait rationnel, cette passion pour la religion en cache une autre plus dangereuse.

je lance des pistes

Dans ce titre, les histoires de famille tiennent une grande place, sans que, jusqu’à présent - je suis à la page 130 environ, Zola ne nous rabatte les oreilles avec ses histoires d’hérédité. Elles y sont, mais plus discrètes que d’habitude.

Il semblerait que ses personnages ne soient pas tout d’un pièce (L’abbé Faujas, Mouret lui-même) et que chacun ait ses propres mobiles pour jouer un rôle dans les différentes opérations en cours : le milieu de la province cancanière et intrigante apparaît bien décrit.

Derrière l’abbé Faujas, je verrais assez bien une analyse pertinente du phénomène religieux et de l’embrigadement progressif des « dames patronnesses ».

En un mot, et sur ce chapitre, Zola se montre plus cinglant et plus avisé que dans les peintures naïves et fades de la faute de l’abbé Mouret.

Salut,
Je venais de me replonger dans L'oeuvre.
Bon, finalement, ce fil me donne envie de laisser tomber et de reprendre La Conquête...
A suivre.

oui, reprends la conquête de Plassans, nous en discuterons de concert.

Un très bon livre Rotko, le point de vue politique moi, par absence de connaissance de cette époque, je le laisse de côté. Je reste sur l'histoire de la famille.

Pour avoir le texte gratuitement c'est ici

le contexte politique/historique est en apparence assez simple

La ville, acquise à Napoléon III grâce aux intrigues de la famille Rougon (La Fortune des Rougon), est passée aux légitimistes. Un prêtre bonapartiste, l’abbé Faujas, y est envoyé par le pouvoir pour la reconquérir

Legitimistes et orleanistes sont des royalistes. le président Louis Napoleon (, (neveu de Napoleon Ier), fomente le coup d'Etat du 2 décembre 1951 et devient l'empereur Napoleon III.

toute l'histoire de Napoleon III

Dans la conquête de Plassans on ne parle pas des républicains qui ont été vaincus et écrasés dans la fortune des Rougon(récit du coup d'Etat dans cette ville de Plassans).

Ici les clans politiques (appelés par Zola des "bandes") sont représentés par des territoires ( la sous- préfecture, le jardin des Rastoil) et des parents aux idées opposées, ce qui permet à Zola de reserrer son intrigue.

je suis en fin de lecture, Marthe déclare son amour à l'abbé Faujas et rend visite à François Mouret aux Tulettes.

Faujas est un personnage bien intrigant. Il méprise les femmes et pourtant s'appuie sur elle vous conquérir la ville. Je me demande si la fin nous donnera le mystère de ce qui lui est arrivé à Besançon ?

Marthe, non croyante au début de l'histoire, bourgeoise tranquille et sans grande envergure, se prend de passion. Pour Dieu et/ou pour le curé ? Il me semble certain que cette femme se découvre frustrée dans sa petite vie de province, et cette passion prend des proportions dévastatrices, jusqu'à bannir enfants et époux, et avoir des crises d'hystérie. Je me demande comment Freud analyserait la situation où elle s'est jetée.

Citation :

Rappelez-vous ce que j'ai dit...Plaisez aux femmes, si vous voulez que Plassans soit à vous.

derniére phrase du chapitre VI, paroles prononcées par Madame Rougon dont on sait le dévouement pour l'Empire.

Faujas adopte donc aussitôt une stratégie de séduction dans le foyer Mouret. Séduire par des idées généreuses de charité, de moralité, de bonté universelle, voilà des images faciles pour abuser de femmes traitées comme inférieures dans les foyers, moquées, et tenues sous dépendance. (1)

Derrière Faujas on voit l'ombre de Tartuffe.

Marthe se trouve chargée d'une mission qui donne un sens et une envergure nouvelle à sa vie étroite.

Quant à la mère de Faujas, assez manipulatrice dans son genre (les partie de cartes avec Mouret), elle me fait penser aux femmes intégristes religieuses, qui, ne pouvant elle-même exercer des fonctions sacerdotales, vouent à leur fils une adoration et une devotion sans bornes.

Parfois Zola intervient directement pour dire le mépris dela religion et des prêtres pour les femmes.

(1) dans le même domaine, on voit l'alliance des femmes mûres, bien pensantes, et de la religion : créer une maison pour la protection des jeunes filles, sous l'égide de la Vierge Marie, quelle belle mission respectable pour des dames qui ont connu dans leur jeunesse - ou même plus tard, quelques débordements...

moi aussi je me demande comme Mazel ce qui est arrivé au prêtre Faujas à Besançon. Encore comme envoyé de l'Empire porquoi si pauvrement habillé.
Le fanatisme religieux de Marthe est vraiment un sujet d'anayse psychologique.

Amadak a écrit:

moi aussi je me demande comme Mazel ce qui est arrivé au prêtre Faujas à Besançon. Encore comme envoyé de l'Empire porquoi si pauvrement habillé.
Le fanatisme religieux de Marthe est vraiment un sujet d'analyse psychologique.

Plusieurs points sont laissés dans l'ombre :le passé de Faujas, mais aussi le redressement financier de la famille Rougon : Mouret a fait plusieurs allusions explicites à leur déclin. Or on les retrouve tenant salon à Plassans, j'opte pour l'hypothèse d'un rétablissement financier et social, via Eugène Rougon devenu ministre de Napoleon III. Il financerait les operations de reconquête politique de la province.

Pour Zola, la psychologie passe au 2e plan; L'héredité et les mecanismes biologiques gouvernent les comportements. Or si on regarde l'histoire naturelle de cette famille : Hortense la grand mère est folle et en maison, le fille de Marthe, Désirée, est débile. Marthe et Mouret se ressemblent physiquement, ce qui repose sur des histoires de batârdise et de consanguinité. Ce qui rend Marthe très vulnerable : on a parlé aussi de ses migraines etc. Elle est "tarée" selon les theories adoptées par Zola.

Eugène Rougon devenu ministre de Napoléon 111 n’apparaît pas dans le ce livre ; Les sujets de consanguinités provoquent des tares familiales. Je trouve en Marthe une femme en paix avec son destin, jusqu’à l’arrivée de l’abbé Faujas .Ce troublant personnage détruira son bonheur et celui de toute sa famille.

Dans le chap VII

" je ne pouvais seulement pas lire un roman sans avoir des migraines affreuses :; pendant trois nuits tous les personnages me dansaient dans la cervelle"

puis aussitôt après elle parle de sa fille Désirée

"Pauvre enfant ! murmurait-elle, elle ne peut pas même coudre, elle a des vertiges tout de suite [...] quand elle va passer un mois chez sa nourrice, elle vit dans la basse-cour, et elle me revient les joues roses, toute bien portante"

Ces symptômes sont imputables à la théorie de l'hérédité que Zola a adoptée, puisée chez plusieurs auteurs. Quant à la deuxième citation, elle montre l'influence du milieu;

Coupeau dans l'Assommoir est un ivrogne, à Paris, mais s'il passe trois semaines en province, à Etampes, il cesse de boire et se porte mieux !

Chapitre VI

A propos des Rougon et de leur "salon vert"

-Mais où ont-ils pris l'argent pour acheter la maison ?

- leur fils Eugène, celui qui fait à Paris une fortune politique si étonnate, député, ministre, conseiller familier des Tuileries, obtint facilement pour son père une recette particulière et la croix..

Zola suit son idée de livre en livre et de brefs rappels rattachent un titre à d'autres. Pour l'affaire du coup d'Etat, c'est la fortune des rougon où Eugène commence son ascension politique, et on le verra surtout dans le 6e tome des Rougon Macquart : 6. Son Excellence Eugène Rougon

Zola a de "la suite dans les idées" (sic !!), on peut très bien lire les livres indépendamment les uns des autres, tout en notant ses lignes continuelles : hérédité , la transmission des tares d'une generation à l'autre, et le milieu, suivant que les personnages sont en ville ou à la campagne, par exemple.

je vais relire le chapitre où Eugène Rougon m'a échappé.

rotko a écrit:

Amadak a écrit:

moi aussi je me demande comme Mazel ce qui est arrivé au prêtre Faujas à Besançon. Encore comme envoyé de l'Empire porquoi si pauvrement habillé..

Plusieurs points sont laissés dans l'ombre :le passé de Faujas.

Une note dans mon "Classique du Livre de Poche" (édition de Colette Becker) cite la fiche personnage de Faugas par Zola: "Ovide Faugas est arrivé vicaire dans une paroisse de Besançon. Il s'y est compromis dans une affaire de lutte (rayé: captation). Il a presque assommé son curé d'un coup de poing. On l'a donné à Paris comme un homme très énergique. Devenu impossible à Besançon" (Folio 35).

Autre note de Zola (folio 20 de son ébauche), à propos de Faugas: "un gaillard que les hommes de Paris enverraient à Plassans, ville légitimiste, pour la convertir au bonapartisme, [...] un terrible homme, sans sou ni maille, à qui on a donné la ville à gagner. C'est un envoi d'Eugène Rougon". (C'est moi qui souligne).

Vous avez compris
Voilà qui nous en dit un peu plus sur le personnage...

@+

merci Lesly
pas de notes dans ma collection Zola, et c'est bien dommage.

pour Lesly:
merci pour ces références, dans le livre Faujas suscite des doutes sur son passé, d'après tes notes, on comprend qu'il était par son caractère utile à Plassans

Amadak a écrit:

par son caractère utile à Plassans

oui, pour l'Empire de Napoleon III; il y a donc alliance de fait entre Madame Rougon qui tient "le salon vert" et Faujas, tous deux restant plus ou moins dans l'ombre pour mettre en avant des comparses involontaires qui servent leurs desseins, comme Marthe, par exemple avec ses dames patronesses, protectrices de la vertu des jeunes filles.

Cette stratégie laisse apercevoir les motivations personnelles des comparses, et en ce sens on trouvera, comme le disait Amadak, des "analyses psychologiques" : le comportement de Mouret est expliqué, d'abord hostile, puis favorable à Faujas dans un second temps, pour avoir l'air d'en savoir plus que les autres sur l'abbé, tenir un rôle dans Plassans, et par maladresse courir à sa propre perte.

D'un autre côté, on voit Faujas mère et fils obtenir discrètement tous les renseignements personnels utiles pour manoeuvrer leurs victimes.

Felicité Rougon la belle –mère de Mouret, Riche à Plassans, elle réussit à introduire l’abbé Faujas, une entente secrète entre les deux. Dans son fameux salon Vert fréquenté par des opposants politiques, sa fille Marthe y est aussi. Faujas arrive à conquérir les volontés des uns et des autres : Marte Mouret retourne a sa maison accompagnée de l’abbé. Son but politique est l’approbation des femmes ; Il propose la fondation d’une Chapelle pour aider les jeunes filles en déroute. Cette tâche occupe les heures De Marthe, qui commence à délaisser sa maison, ses enfants et son mari

Autre personnage intéressant: Mme Paloque.
Elle a participé, en tant que secrétaire, au projet de l'Oeuvre de la Vierge. Le jour de l'inauguration du local, l'évêque remercie toutes les dames patronnesses, sauf Mme Paloque (début du ch X). Celle-ci, vexée, va se désengager de l'Oeuvre et commencer à nourir une haine à l'égard de sa société...

A suivre