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Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
Sujet: Gaston Couté Mer 13 Sep 2006, 11:27
Le Gâs qu’a mal tourné
Dans les temps qu’j’allais à l’école, — Oùsqu’on m’vouéyait jamés bieaucoup, — Je n’voulais pâs en fout’e un coup ; J’m’en sauvais fér’ des caberioles,# Dénicher les nids des bissons, Sublailler, en becquant des mûres Qui m’barbouillin tout’la figure, Au yeu d’aller apprend’ mes l’çons ; C’qui fait qu’un jour qu’j’étais en classe, (Tombait d’ l’ieau, j’pouvions pâs m’prom’ner !) L’ mét’e i’ m’dit, en s’levant d’ sa place : « Toué !... t’en vienras à mal tourner ! »#
Il avait ben raison nout’ mét’e, C’t’houmm’-là, i’d’vait m’counnét’ par cœur ! J’ai trop voulu fére à ma tête Et ça m’a point porté bounheur ; J’ai trop aimé voulouèr ét’ lib’e Coumm’ du temps qu’ j’étais écoyier ; J’ai pâs pu t’ni’ en équilib’e Dans eun’ plac’, dans un atéyier,# Dans un burieau... ben qu’on n’y foute Pâs grand chous’ de tout’ la journée... J’ai enfilé la mauvais’ route ! Moué ! j’sés un gâs qu’a mal tourné !
À c’tt’ heur’, tous mes copains d’école, Les ceuss’ qu’appernin l’A B C Et qu’écoutin les bounn’s paroles, I’s sont casés, et ben casés !# Gn’en a qui sont clercs de notaire, D’aut’s qui sont commis épiciers, D’aut’s qu’a les protections du maire Pour avouèr un post’ d’empléyé... Ça s’léss’ viv’ coumm’ moutons en plaine, Ça sait compter, pas raisounner ! J’pense queuqu’foués... et ça m’fait d’la peine : Moué ! j’sés un gâs qu’a mal tourné !#
Et pus tard, quand qu’i’s s’ront en âge, Leu’ barbe v’nu, leu’ temps fini, I’s vouéront à s’mett’e en ménage ; I’s s’appont’ront un bon p’tit nid Oùsque vienra nicher l’ ben-êt’e Avec eun’ femm’... devant la Loué ! Ça douét êt’ bon d’la femme hounnête : Gn’a qu’les putains qui veul’nt ben d’moué.# Et ça s’comprend, moué, j’ai pas d’rentes, Parsounn’ n’a eun’ dot à m’dounner, J’ai pas un méquier dont qu’on s’vante... Moué ! j’sés un gâs qu’a mal tourné !
I’s s’ront ben vus par tout l’village, Pasqu’i’s gangn’ront pas mal d’argent À fér des p’tits tripatrouillages Au préjudic’ des pauv’ers gens# Ou ben à licher les darrières Des grouss’es légum’s, des hauts placés. Et quand, qu’à la fin d’leu carrière, I’s vouérront qu’i’s ont ben assez Volé, liché pour pus ren n’fére, Tous les lichés, tous les ruinés Diront qu’i’s ont fait leu’s affères... Moué ! j’s’rai un gâs qu’a mal tourné !#
C’est égal ! Si jamés je r’tourne Un joure r’prend’ l’air du pat’lin Ousqu’à mon sujet les langu’s tournent Qu’ça en est comm’ des rou’s d’moulin, Eh ben ! i’ faura que j’leu dise Aux gâs r’tirés ou établis Qu’a pataugé dans la bêtise, La bassesse et la crapulerie# Coumm’ des vrais cochons qui pataugent, Faurâ qu’ j’leu’ dis’ qu’ j’ai pas mis l’nez Dans la pâté’ sal’ de leu-z-auge... Et qu’c’est pour ça qu’j’ai mal tourné !...#
rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
je suis parti ce matin même encore saoul de la nuit mais pris comme d'écœurement suprême crachant mes adieux à paris et me voilà ma bonne femme oui foutu comme quatre sous mon linge est sale aussi mon âme me voilà chez nous
ma pauvre mère est en lessive maman maman maman ton mauvais gâs arrive au bon moment
voici ce linge où goutta maintes et maintes fois un vin amer où des garces aux lèvres peintes ont torché leurs bouches d'enfer et voici mon âme plus grise des mêmes souillures – hélas ! que le plastron de ma chemise gris,rose et lilas
au fond du cuvier où l'on sème parmi l'eau la cendre du four que tout mon linge de bohême repose durant tout un jour et qu'enfin mon âme, pareille a ce déballage attristant parmi ton âme - ô bonne vieille repose un instant
tout comme le linge confie sa honte à la douceur de l'eau quand je t'aurai conté ma vie malheureuse d'affreux salaud ainsi qu'on rince à la fontaine le linge au sortir du cuvier mère, arrose mon âme en peine d'un peu de pitié
et lorsque tu viendras étendre le linge d'iris parfumé tout blanc parmi la blancheur tendre de la haie où fleurit le mai je veux voir mon âme encore pure en dépit de son long sommeil dans la douleur et dans l'ordure revivre au soleil
rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
Sujet: Re: Gaston Couté Mer 13 Sep 2006, 11:33
Pour connaître et apprecier la voix originale de Gaston Couté, et particulièrement ce jour de lessive ,
écoutez ici les interpretations sonores
Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
Sujet: Re: Gaston Couté Mer 11 Nov 2009, 13:42
La rose de l'absent
(Légende du Moyen Age)
Le beau chevalier était à la guerre ... Le beau chevalier avait dit adieu A sa dame aimée, Anne de Beaucaire Aux yeux plus profonds que le grand ciel bleu.
Le beau chevalier, à genoux près d'elle, Avait soupiré, lui baisant la main : " Je suis tout à vous ! soyez-moi fidèle ; A bientôt ! je vais me mettre en chemin. "
Anne répondit avec un sourire : " Toujours, sur le Christ ! je vous aimerai, Emportez mon coeur ! allez, mon beau sire, Il vous appartient tant que je vivrai. "
Alors, le vaillant, tendant à sa dame Une rose blanche en gage d'amour, S'en était allé près de l'oriflamme De son Suzerain, duc de Rocamour.
Le beau chevalier était à la guerre ... Anne, la perfide aux yeux de velours, Foulant son naÏf serment de naguère, Reniait celui qui l'aimait toujours ;
Et, sa blanche main dans les boucles folles D'un page mignard, elle murmurait Doucement, tout bas, de tendres paroles A l'éphèbe blond qui s'abandonnait.
Mais, soudain, voulant respirer la rose Du fier paladin oublié depuis, Elle eut peur et vit perler quelque chose De brillant avec des tons de rubis.
Cela s'étendait en tache rougeâtre Sur la fleur soyeuse aux pétales blancs Comme ceux des lis et comme l'albâtre... La rose échappa de ses doigts tremblants ;
La rose roula tristement par terre ... Une voix alors sortit de son coeur ; Cette voix était la voix du mystère, La voix du reproche et de la douleur.
" Il est mort, méchante, il est mort en brave ! Et songeant à toi, le beau chevalier ; Son âme est au ciel, chez le bon Dieu grave Et doux, où jamais tu n'iras veiller ;
Où tu n'iras pas, même une seconde, Car ta lèvre doit éternellement Souffrir et brûler, par dans l'autre monde, Au feu des baisers d'un démon méchant ... "
Et la voix se tut sous le coup du charme, La fleur se flétrit, Anne, se baissant N'aperçut plus rien, plus rien qu'une larme Avec une goutte épaisse de sang.
(Toile "Chevalerie", de Franck Dicksee)
Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
Sujet: Re: Gaston Couté Dim 22 Nov 2009, 10:15
Requiescat in pace
Comme s'effeuille une rose L'amante dolente aux traits Ravagés par la chlorose Est morte au soir des regrets Et sur le bord de sa fosse Le vieux prêtre au dos cassé A glapi de sa voix fausse Requiescat in pace !...
Et maintenant pauvre chère Elle git loin du soleil Sous le grand champ en jachère Où tout est paix et sommeil Défunts tous les jours d'ivresse Et les nuits de l'an passé Défunts comme ma maîtresse Requiescat in pace !...
Plus n'ai la force de vivre Et par les tristes hivers Sertis de larmes de givre J'erre en sanglotant mes vers Dans le vent qui les emporte Mon pauvre coeur trépassé Dort sur celui de la morte Requiescat in pace !
rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
Sujet: Re: Gaston Couté Dim 30 Jan 2011, 07:39
il faut etoffer ce fil !
j'ai entendu hier soir Gérard Pierron parler de Gaston Couté, il le chante, ainsi que d'autres poètes méconnus, avec beaucoup de talent.
On reparlera de lui et de Gaston Couté car je dois l'écouter le 18 février, ce qui laisse le temps de lire ou d'ecouter de très belles oeuvres :
C'est eun' volé' d'môssieux d'Paris Et d' péquit's dam's en grand's touélettes Qui me r'gard'nt curer l'écurie Et les "téts" ousque gît'nt les bêtes : Hein ?... de quoué qu'c'est, les villotiers, Vous faisez pouah ! en r'grichant l'nez Au-d'ssus d'la litière embernée?... Vous trouvez qu'i' pu', mon feumier?
Ah ! bon guieu, oui, l' sacré cochon ! J'en prends pus avec mes narines Qu'avec les deux dents d' mon fourchon Par oùsque l' jus i' dégouline, - I' pu' franch'ment, les villotiers ! Mais vous comprendrez ben eun' chouse, C'est qu' i' peut pas senti' la rouse ! ... C'est du feumier... i' sent l' feumier !
Pourtant, j'en laiss' pas pard'e un brin, J' râtle l' pus p'tit fêtu qu'enrrouse La pus michant' goutt' de purin, Et j' râcle à net la moind'er bouse ! - Ah ! dam itou, les villotiers, Malgré qu'on seye en pein' d'avouer Un "bien" pas pus grand qu'un mouchouer, On n'en a jamais d' trop d' feumier !
C'est sous sa chaleur que l' blé lève En hivar, dans les tarr's gelives ; I' dounn' de la force à la sève En avri', quand la pousse est vive ! Et quand ej' fauch' - les villotiers ! Au mois d'Août les épis pleins Qui tout' l'anné' m' dounn'ront du pain, Je n' trouv' pas qu'i' pu', mon feumier !
C'est d' l'ordur' que tout vient à nait'e : Bieauté des chous's, bounheur du monde, Ainsi qu' s'étal' su' l' fient d'mes bêtes La glorieus'té d'la mouésson blonde... Et vous, tenez, grous villotiers Qu'êt's pus rich's que tout la coummeune, Pour fair' veni' pareill' forteune En a-t-y fallu du feumier ! !!
Dam' oui, l' feumier des capitales Est ben pus gras que c'ti des champs : Ramas de honte et de scandales... Y a d'la boue et, des foués, du sang !... - Ah ! disez donc, les villotiers, Avec tous vos micmacs infâmes Ousque tremp'nt jusqu'aux culs d'vos femmes... I' sent p'tét' bon, vous, vout' feumier?...
Aussi, quand ej' songe à tout ça En décrottant l' dedans des "téts" J' trouv' que la baugé' des verrats A 'cor comme un goût d' properté ! Et, croyez-moué, les villotiers, C'est pas la pein' de fèr' des magnes D'vant les tas d'feumier d' la campagne : I' pu' moins que l'vout'... nout' feumier !
rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
Sujet: Re: Gaston Couté Dim 20 Fév 2011, 08:12
Gaston Couté défend ceux qu'on méprise et humilie, depuis la fille-mère, jusqu'au laissé pour compte qui "crève la dalle".
il chante aussi les plaisirs simples de la vie rurale, le bon petit vin local, les chemins entre les blés que ne foulent pas les militaires et leurs canons. D'inspiration anarchiste, il raille les va-t-en guerre, les prétentieux et les suffisants. Il rehabilite la langue des Petits.
La rac' des brut's et des conscrits
V'là les conscrits d'cheu nous qui passent! ... Ran plan plan! L' tambour marche d'vant; Au mitan, l'drapieau fouette au vent... Les v'là ceuss' qui r'prendront l'Alsace!
l's vienn'nt d'am'ner leu' numério Et, i's s'sont dépêchés d'le mett'e: Les gâs d'charru' su' leu' cassiette, Les gâs d'patrons su'leu' chapieau.
Tertous sont fiârs d'leu'matricule, Coumme eun' jeun' marié d'son vouél' blanc; Et c'est pour ça qu'i's vont gueulant Et qu'on les trouv' pas ridicules.
I's ont raison d'prend' du bon temps! Leu' gaîté touche el'coeur des filles; Et, d'vouèr leu's livré's qui pendillent, Les p'tiots vourin avouèr vingt ans.
Les vieux vourin êt'e à leu'place; Et, d'vant leu's blagu's de saligauds, Des boulhoumm's tout blancs dis'nt: " I faut Ben, mon guieu! qu'la jeuness' se passe... "
Et don', coumm'ça, bras-d'ssus, bras-d'ssous, l's vont gueulant des cochonn'ries. Pus c'est cochon et pus i's rient, Et pus i's vont pus i's sont saoûls.
Gn'en a mém' d'aucuns qui dégueulent; Mais les ceuss' qui march'nt core au pas, Pour s'apprend'e à fair' des soldats, l's s'amus'nt à s'fout' su' la gueule.
Pourquoué soldats? I's en sav'nt ren, - l's s'ront soldats pour la défense D'la Patri'! - Quoué qu'c'est? - C'est la France... La Patri'!... C'est tuer des Prussiens!...
La Patri'! quoué! c'est la Patri'! Et c'est eun' chous' qui s'discut' pas! Faut des soldats! ... - Et c'est pour ça Qu'à c'souér, su' l'lit d'foin des prairies,
Aux pauv's fumell's i's f'ront des p'tits, - Des p'tits qui s'ront des gàs, peut-être? - A seul' fin d'pas vouer disparaître La rac' des brut's et des conscrits.
Natalia pilier
Nombre de messages : 9409 Age : 58 Localisation : Nantes Date d'inscription : 10/01/2011
Sujet: Re: Gaston Couté Lun 28 Fév 2011, 08:10
Loic Lantoine interprète Gaston Couté "Jour de lessive "
Spoiler:
Je suis parti ce matin même Encore saoul de la nuit mais pris Comme d'écœurement suprême Crachant mes adieux à Paris Et me voilà, ma bonne femme, Oui, foutu comme quatre sous Mon linge est sale, aussi mon âme Et me voilà chez nous
{Refrain:} Ma pauvre mère est en lessive Maman, maman Maman, ton mauvais gâs arrive Au bon moment
Voici ce linge où goutta maintes Et maintes fois un vin amer Où des garces aux lèvres peintes Ont torché leurs bouches d'enfer Et voici mon âme plus grise Des mêmes souillures, hélas ! Que le plastron de ma chemise Gris, rose et lilas
{au Refrain}
Au fond du cuvier où l'on sème Parmi l'eau, la cendre du four Que tout mon linge de bohème Repose durant tout un jour Et qu'enfin mon âme, pareille A ce déballage attristant, Parmi ton âme, ô bonne vieille, Repose un instant
{au Refrain}
Tout comme le linge confie Sa honte à la douceur de l'eau Quand je t'aurai conté ma vie Malheureuse d'affreux salaud Ainsi qu'on rince à la fontaine Le linge au sortir du cuvier Mère, arrose mon âme en peine D'un peu de pitié
{au Refrain}
Et lorsque tu viendras étendre Le linge d'iris parfumé Tout blanc parmi la blancheur tendre De la haie où fleurit le mai Je veux voir mon âme encore pure En dépit de ce long sommeil Dans la douleur et dans l'ordure Revivre au soleil
Maman, ton mauvais gâs arrive Au bon moment
rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005