Julie Maroh : Le bleu est une couleur chaude

La BD de ce mois-ci que j'ai hâte de lire. Les couleurs et les dessins sont jolis

Le bleu est une couleur chaude, récupérée hier à la bibliothèque.

Bonnes premières impressions :
- j'aime beaucoup la bichromie noir/bleu,
- j'aime la consistance : 156 pages qui semblent avoir une belle densité,
- un début prometteur :

Vignette d'introduction : un bord de mer, qu'on imagine plutôt être celle du Nord, eau grise, ciel gris, une jeune fille chaudement habillée les pieds dans l'eau. Il ne fait pas chaud.

Puis une ville grise et froide, le même jeune fille est assise dans un bus, l'air triste et absent. Il ne fait toujours pas chaud. En texte off :

« Mon amour, quand tu liras ces mots, j'aurai quitté ce monde.
Je ne vais pas redire ici tout ce que tu sais déjà, tout ce que j'ai peu t'écrire dans de précédentes lettres ou pendant toutes ces années passées dans ta chaleur. Je tiens à te remercier pour ton dévouement, ces derniers jours à l'hôpital auraient été un cauchemar si tu n'avais pas été là. Grâce à toi je pars sereine et je ne remercierai jamais assez le ciel de t'avoir rencontrée.
J'ai demandé à ma mère de mettre sur mon bureau, pour toi, ce que j'ai de plus précieux ; mes journaux intimes. Je veux que ce soit toi qui les conserve, il y a là tous mes souvenirs d'ado teintés de bleu.
Bleu encre, bleu azur, bleu marine, bleu Klein, bleu cyan, bleu outremer...
Le bleu est devenu une couleur chaude...»

oui, c'"est une couleur chaude. je le sais, je l'ai senti.

Ysandre a écrit:

oui, c'"est une couleur chaude. je le sais, je l'ai senti.

Je ne comprends pas ce que tu veux dire, Ysandre.

Luca a écrit:

Le bleu est une couleur chaude, récupérée hier à la bibliothèque.

Bonnes premières impressions :
- j'aime beaucoup la bichromie noir/bleu,
- j'aime la consistance : 156 pages qui semblent avoir une belle densité,
- un début prometteur :

oui, je suis totalement d'accord, d'autant que l'aspect humain, la decouverte homosexuelle est faite avec beaucoup de tact, de même que les réactions hostiles restent malheureusement vraisemblables.

j'ai un peu de mal à reconnaître les personnages dans certaines vignettes. Mais je suis très favorable à cette B.D, que je n'ai pas encore finie. Eh oui, je prends mon temps, parce que je n'hesiterai pas à revenir sur mon parcours

ma maman me disait que cette couleur me "fardait" qu'elle était chaleureuse sur moi
e ne comprends pas ce que tu veux dire, Ysandre. col

voilà pourquoi je la considère comme chaude
bonne nuit ma belle

Un vrai coup de cœur pour cette BD, merci Rotko !

L'histoire poignante : difficile, en effet, d'imaginer qu'au moment où une jeune femme découvre l'amour, ce sentiment se teinte de honte et de dégoût de ce que l'on est. Comment se construire ainsi ?

Le graphisme est très séduisant, fort et très personnel, les découpages intelligents.

La bichromie est intéressante. Elle est utilisée pour raconter l'adolescence de Muriel. Un monde en nuances de gris dans lequel le bleu symbolise des touches de bonheur, peu nombreuses. Au passage à l'âge adulte, la quadrichromie s'installe, comme pour évoquer un monde plus complexe, moins dichotomique, dont on pourrait attendre autre chose mais où l'exclusion reste coutumière.

Seul bémol pour ce qui se présente comme un « roman graphique » : le texte aurait pu être plus travaillé, comme le laissait penser le début de la BD.

Julie Maroh a un blog personnel, Les cœurs exacerbés, sur lequel un article est consacré à l'homosexualité dans la BD. On peut y visionner un reportage intéressant diffusé sur Public Sénat. Interview de l'auteure à partir de 10' (mais l'intégralité mérite d'être vue). Marrant : je trouve qu'elle a la même bouille qu'Emma. Elle dit : « Ce n'est pas seulement une histoire intime, ça ne peut pas être que ça, ça fait partie d'une actualité sociale et plurielle (...) ; le fait d'évoluer dans une minorité, on doit toujours faire face, à un moment, au fait de défendre ses droits face à la majorité. » Ainsi, les personnages de sa BD doivent affronter leur famille, leurs amis, le médecin, etc.

un article avec des vues

je laisse décanter et j'arrive avec mes impressions. Pas simples, les amours adolescentes !

rotko a écrit:

un article avec des vues

Le passage avec le rêve des mains d'Emma. Bleues. Une étrange poésie, prenante.

oui, je suis d'accord avec les qualités de cette BD, son graphisme léger, son tact pour parler des amours adolescentes, des éveils de la sensualité, des déconvenues amicales et amoureuses, c'est pourquoi je refeuillette l'album.

J'ai du mal à retrouver les personnages : Emma obtient le journal où Clémentine raconte son histoire, mais la juxtaposition des deux personnages, la diariste et la lectrice p.25, avec des sentiments communs, m'égare un peu.

de même p. 72 La mère de Clémentine ne ressemble guère à celle (la mère) qui remet à Emma le journal de Clémentine page 7.

Je n'ai pas eu ce genre de problème mais impossible de vérifier : j'ai rendu la BD à la médiathèque.

bon, je surmonte ces petites difficultés pour dire mon plaisir à lire et à regarder cette BD, la variété des scènes, avec des fonds qui traduisent une atmosphère, fond vert dans le secteur médical, aspect réaliste dans les scènes sur la plage, qui rejoignent dans le temps le début du récit, la ville humide et Emma dans le bus en proie à son chagrin. Entre-temps des rencontres urbaines, dés décors de bars et d’établissements scolaires.

Les adultes sont vraiment indécrottables, du moins le père de Clémentine, mais je crois qu'on sous-estime les difficultés de certains jeunes à vivre en marge des normes : sans doute y a-t-il dans l'histoire des prises de conscience politiques et sociales, mais les choix de sexualité se heurtent à de nombreux préjugés, et à des exclusions, y compris entre jeunes du même âge.

Comme tout amour, le lien entre Emma et Clémentine comporte ses orages, ses malentendus, ses moments de tendresse. Tout n'est pas dit, c’est aussi bien, les dessins valent mieux que des textes explicatifs, mais certaines répliques parlent d'une homosexualité comme lien, voire orientation politique et sociale, alors que Clémentine la vit comme une affaire intime.

Julie Maroh a su traduire les élans et les désespoirs, les attentes et les absences de la personne aimante, les détresses, coups de cafard, voire dépressions..

On pense à certaines réflexions proustiennes : « celui qui aime le plus souffre le plus". L'amour comme expérience douloureuse et mal vécue. Certaines se vivent sur l’instant, pour Clémentine, et d’autres à retardement, comme pour Emma.

je ne vais plus avoir à ajouter lorsque je vais la lire

oh ! mais si ! cette Bd est riche et dense, je vais la faire lire à d'autres, et je dirai leurs impressions.

rotko a écrit:

oh ! mais si ! cette Bd est riche et dense, je vais la faire lire à d'autres, et je dirai leurs impressions.

Moi aussi. J'en ai fait la "pub" autour de moi. J'ai essayé de la "vendre" à ma fille mais elle n'aime pas lire des BD.

Je l'ai récupéré hier et je n'ai pas résisté à commencer sa lecture...ça me colle des frissons partout et me submerge de bons nombres de souvenirs. C'est un graphisme très beau, très émouvant
Mon compagnon va sans doute la lire, selon lui le graphisme ressemble pas mal à celui de Bilal

Merci beaucoup pour ce choix de BD. En effet je crois que j'aurais pas mal de choses à ajouter à vos excellents commentaires

Sur la Chaîne public sénat il existe une émission consacrée à a La bande dessinée.: Un monde de Bulles

Voici Julie Maroh parlant de Le bleu est une couleur chaude

autres titres sur l'homosexualité,


Princesse aime Princesse de Lisa Mandel

124 pages chez Gallimard-Jeunesse


Dans la peau d'un jeune homo de Hugues Barthe

94 pages chez Hachette Littératures

ce que pense Julie Maroh de la vie d'Adèle d'Abdellatif kechiche.

Citation :

Pour moi cette adaptation est une autre version / vision / réalité d’une même histoire. Aucune ne pourra annihiler l’autre. Ce qui est sorti de la pellicule de Kechiche me rappelle ces cailloux qui nous mutilent la chair lorsqu’on tombe et qu’on se râpe sur le bitume.
C’est un film purement kéchichien, avec des personnages typiques de son univers cinématographique. En conséquence son héroïne principale a un caractère très éloigné de la mienne, c’est vrai. Mais ce qu’il a développé est cohérent, justifié et fluide. C’est un coup de maître.
N’allez pas le voir en espérant y ressentir ce qui vous a traversés à la lecture du Bleu. Vous y reconnaîtrez des tonalités, mais vous y trouverez aussi autre chose.

«En tant que lesbienne», confie Julie Maroh, elle attendait autre chose des scènes les plus crues du film (quelques minutes sur trois heures) et déplore les clichés éculés sur cette sexualité féminine : «Il me semble clair que c’est ce qu’il manquait sur le plateau : des lesbiennes […] . Ce que ça m’évoque : un étalage brutal et chirurgical, démonstratif et froid de sexe dit lesbien, qui tourne au porn, et qui m’a mise très mal à l’aise.» Une ombre au tableau idyllique

Citation :

Je tiens à remercier tous ceux qui se sont montrés étonnés, choqués, écœurés que Kechiche n’ait pas eu un mot pour moi à la réception de cette Palme. Je ne doute pas qu’il avait de bonnes raisons de ne pas le faire, tout comme il en avait certainement de ne pas me rendre visible sur le tapis rouge à Cannes alors que j’avais traversé la France pour me joindre à eux, de ne pas me recevoir – même une heure – sur le tournage du film