Quelques extraits.

SILENCE. – J'écris sans cesse parce que mon âme y aspire, parce que la Vie s'engouffre ainsi dans mes poumons. J'écris sans cesse parce que là-bas tout est possible, et que la mort s'y incline bien bas. J'écris sans cesse parce que cet air que je respire est le même qui retentit dans mon esprit. Cet air de phrases qui s'accumulent et qui s'étirent, cet air qui souffle avec violence autour de moi. Cet air sordide qui s'allume à chaque lueur ; cet air d'effroi devant le temps et ma Jeunesse qui s'en va. A chaque mot, je crois comprendre ce qui m'attire. Je crois comprendre... mais aussitôt cette Vérité n'est plus là. Je m'acharne à scruter, sonder, observer le présent : j'apprends sans cesse, mais il fuit. Et moi je change. Et chaque mot tend vers le point. Pourtant j'espère et j'ai confiance en chaque seconde, parce que je sais que toutes ne s'écouleront pas en vain.

***

LA FEMME & L'HOMME. – Il est si facile d'être ensemble qu'il semble à peine que nous sommes deux. Chaque pensée fait écho à l'autre ; pourrait-on dire qui est le plus heureux ? Et toutes nos notes se répondent donc ? Et sourit-on de la même façon ? Aucun des deux n'attend rien de l'autre : au creux des yeux il n'y a que le feu.
Il est si facile de décrire son cœur, lorsqu'on l'ouvre si grand qu'on s'y complaît tous deux... L'insouciance y pousse tel un nénuphar : une planchette légère à la surface de l'eau. La caressent parfois quelques doux remous, la soulève aussi la libellule qui passe.

SILENCE, tenant à la main un cahier. –
Parfois j'aimerais
Être seul sur terre ;
J'aimerais me promener
Dans les rues immaculées
Et fouler de mon pied
Ce tapis de fraîcheur,
Qu'aucune botte
N'a jamais abîmé ;
J'aimerais regarder
Sans que l'on me réponde
Et que ma voix n'ait d'écho
Que mes pensées ;
J'aimerais aimer
Sans barrière de visage,
J'aimerais sourire
En échange du néant.
Il serait beau de savoir
Que je suis seul au soleil,
Que les vents et les brises
N'appartiennent qu'à moi.
Tout n'est qu'illusion.

***

SOUPIR. – Si tu savais, Étoile ! J'ai beau essayer de jouer mon âme sur un clavier, sur des cordes... rien. J'entends... comme de vagues musiques qui m'obsèdent étrangement, et, pour chaque personne, je m'invente une mélodie. Pourtant, rien ne vient, rien. Tout ce que j'ai pu jouer ressemble à la composition d'un enfant, faisant grincer une craie sur le tableau. C'était pourtant si beau dans ma tête !... Et... jouer de la musique est la seule chose que je sache faire : rien d'autre ne me réussit ! J'écoute mes opéras, et je suis déçu. Déçu par la lourdeur de mes mélodies, du son fade de l'accompagnement. Ma musique est guindée. Guindée, parce qu'aucune magie ne peut y entrer. Elle ne laisse place ni à l'imagination, ni à la rêverie. Elle est courbée sous le poids de tout ce que mon cœur a voulu y mettre de sentiments, de pensées et de beauté, en plus de la maladresse avec laquelle tout cela y est jeté. Une note jouée devrait prendre vie d'elle-même, avoir une existence propre, détachée du musicien, mais les miennes sont des bruits, comme d'autres bruits dans ce monde détestable ! Dépourvu de talent, essayant d'arracher quelques misérables notes à un pauvre instrument, je traîne ma carcasse sur une terre à laquelle je n'appartiens pas... J'ai beau chercher...

ÉTOILE, en aparté, très lentement. – Que dit-il ? Qu'est-ce ? Veut-il mourir ?... comment ? Pourquoi ?! Qu'est-ce qui a fait que... ? Pourquoi ai-je moi-même cette impression de... de tomber ? Je glisse... comme dans un tunnel, de plus en plus vite, et ne sais quand je vais m'écraser... Ah ! Je suis à l'étroit ! Comment vivrais-je, sans lui ?...