Drieu La Rochelle

dp. a écrit:

Début mai :

- lecture du Baiser au lépreux de Mauriac : belle découverte.
- Le cahier gris de Martin du Gard.

Découverte de Le Feu follet de Drieu la Rochelle, que je termine : MA-GNI-FIQUE ! En le lisant, j'ai pensé à Nimier que j'avais découvert l'année dernière. Il parait que l'adaptation de Louis Malle est magnifique... c'est au programme.

Citation :

Tu pourrais nous en dire plus, svp

Le personnage principal s'appelle Alain, drogué et paumé. Il tente de tromper la mort, tente d'oublier qu'il est un type perdu en cherchant refuge auprès des femmes : mais ce remède ne fonctionne pas, ni avec sa femme qu'il aime ni avec sa maîtresse (c'est dire l'étrangeté de cet Alain). J'en suis au milieu du roman... (qui est court).
Un passage que j'ai trouvé savoureux (p. 39) :

"Alain resta étendu sur le lit. Le retour à la vie, après ce lourd sommeil, mettait sur son visage une désolation qui fit frémir la barbiche du docteur.
- Vous avez passé la nuit dehors, ce n'est rien, si vous n'avez pas fait de bêtises.
- Non, je n'en ai pas pris, j'étais avec quelqu'un...
- Ah ! très bien !
Le docteur parut enchanté. Il comptait sur les femmes pour distraire Alain de la drogue.
Mais pour cela il aurait fallu qu'Alain aimât beaucoup les femmes et que l'une au moins, de celles qu'il connaissait, eût une idée positive de la virilité."

A part le petit soldat de jean Luc Godard, inspiré, je crois, de Drieu la Rochelle, je n'ai rien lu de lui sauf la comédie de Charleroi, nouvelle finie hier soir.

Le titre se lit à deux niveaux, le récit du voyage de Madame Pragen sur le champ de bataille où est mort son fils, et l'évocation des batailles passées auxquelles a participé le narrateur, en compagnie de Claude Pragen.

Ces deux thèmes, d'une tonalité caustique souvent, sont habilement tressés, et permettent au narrateur d'analyser la guerre moderne - où il n'y a pas de contact, mai une exposition à la technologie meurtrière, et de faire le point sur ses réactions et ses aspirations.

Le style est vigoureux, emporté, traduit souvent, dans le contexte, une animosité contre les femmes, et contre le commun des mortels - c'est le cas de le dire !

j'ignore à quelle époque de la vie de Drieu il se situe, mais des esprits avertis y reconnaîtraient sans doute des thèmes qui lui sont chers, tels que le néant, le dégoût, ou la tentation du suicide, et bien d'autres sans doute.

A la fac, on a étudié l'an dernier Le Feu follet, qui est court et délicat. Et cette année (ils y sont attachés), on a dû s'infliger les 700 pages de Gilles, roman bien trop long, qui manque de cohérence, parfois mal écrit...

Une interrogation ? pourquoi mon nom apparait : Astazie a écrit

Je n'ai rien écrit sur cet auteur

Nestor : je supprime la mention de "citation", sans doute une erreur technique. quitte à la rétablir s'il en etait besoin

Merci Nestor

La Comédie de Charleroi (recueil de 6 nouvelles) date de 1934.

Etrange attitude de cet intellectuel guerrier qui traite ses compagnons de "larves", méprise les gradés, mais pousse à l'assaut, dans un besoin d'action compréhensible sur le terrain, plus gênant par la suite.

La comédie baigne dans un antisémitisme diffus, et des déclarations assumées :

Citation :

je hais les vaincus

dit-il.

Je retrouve chez lui une attitude "supérieure", très méprisante, qui existait chez Ernst Jünger, dans le lieutenant Sturm. écrit entre 1918 et 1923.

tout un article sur Slate

Modiano a écrit:

Pour la Pléiade, c'est une vraie bonne nouvelle ! Je suis sûr que les tomes seront beaux...

(Après l'affront Drieu.)

J'avais lu Benjamin Button, nouvelle un peu légère et dont j'ai trouvé qu'elle n'exploitait pas assez une idée très bonne - mon côté capitaliste sans doute.

Sinon, Gatsby, que j'ai lu dans la nouvelle traduction de Julie Wolkenstein, est un beau livre. Un roman de belle facture, très efficace narrativement, et aussi assez sensible.

Pour quelle raison éditer Drieu serait un affront ?

Sinon, je n'ai pas encore lu Fitzgerald mais comme j'ai acheté Gatsby récemment, ça ne saurait tarder. *O*

Goldmund a écrit:

Pour quelle raison éditer Drieu serait un affront ?

Citation :

La moisissure Drieu La Rochelle sur la Pléiade

Peut-on célébrer un écrivain fasciste français

tout l'article.

reporte-toi au fil Drieu la Rochelle. Trop souvent on agite des raisons non litteraires (et donc politiques !) pour parler des ecrivains fascistes, au lieu de se pencher sur leurs oeuvres.

fin de cette parenthèse.

Je sais très bien que Drieu la Rochelle est controversé mais je trouve qu'il a tout à fait sa place en La Pléiade tout comme Céline y a accédé avant lui.

Difficile d‘isoler des citations de la comédie de Charleroi, un texte qui oscille entre des aspirations contraires. En même temps on y repère des thèmes qui tiendront une grande place dans la vie de Drieu. la Rochelle.

« le seul moment où j’ai approché l’idée de néant, c’est quand j’ai voulu me suicider. Quelques jours avant la bataille, j’avais regardé mon fusil. Était-ce l’entrée du néant en moi que cette douce et désolante volupté qui aussitôt baignait mes membres en regardant ce petit trou noir ? Non, c entait que l’illusion cajoleuse du suicide. Avec le venin de cette idée, l’âme sait se fabriquer un baume. L’idée du suicide chez celui qui ne se suicide pas est un baume amer »

Tout d’un coup, il s’est produit quelque chose d’extraordinaire. Je m’étais levé, levé entre les morts entre les larves […] tout d’un coup je me connaissais, je connaissais ma vie. C’était donc moi, ce fort, ce libre ce héros [ qu’Est-ce qui soudain jaillissait ? Un chef. Non seulement un homme qui se donne, mais un homme qui prend. Un chef c’est un homme à son plein ; l’homme qui donne et qui prend dans la même éjaculation.

J’étais un chef […] Tout dépendait de moi, toute cette bataille - et les batailles de demain, les révolutions de demain- pesait sur moi, me sollicitait, me suppliait, cherchait sa résolution en moi; tout dépendait de moi »

Citation :

Tous ces types autour de moi commençaient à me dégoûter. Ou je me dégoûtais. Ils me dégoûtaient de n’avoir pas mieux suivi - avait-il fallu les tirer pour venir seulement jusqu’à ce trou !- Et je me dégoûtais d ne pas les avoir mieux tirés, d’avoir eu besoin qu’ils me poussent.

« ce n’était pas tellement la crainte des souffrances qui me faisaient renâcler, c’était l’horreur des vaincus. J’avais tout d’un coup une horreur violente de la France, des Français. Je voulais me séparer d’eux, je leur en voulais. »

Goldmund a écrit:

Modiano a écrit:

Pour la Pléiade, c'est une vraie bonne nouvelle ! Je suis sûr que les tomes seront beaux...

(Après l'affront Drieu.)

J'avais lu Benjamin Button, nouvelle un peu légère et dont j'ai trouvé qu'elle n'exploitait pas assez une idée très bonne - mon côté capitaliste sans doute.

Sinon, Gatsby, que j'ai lu dans la nouvelle traduction de Julie Wolkenstein, est un beau livre. Un roman de belle facture, très efficace narrativement, et aussi assez sensible.

Pour quelle raison éditer Drieu serait un affront ?

Sinon, je n'ai pas encore lu Fitzgerald mais comme j'ai acheté Gatsby récemment, ça ne saurait tarder. *O*

Mon jugement est purement littéraire !

Je trouve que c'est un écrivain médiocre. Mais je ne suis pas fan de Céline non plus...

Selon les connaisseurs (un prof de la sorbonne), Drieu serait supérieur à Céline dans l'art d'écrire.

Il est à remarquer que ces deux écrivains sont très souvent parasités par des "ideologues", plus aptes à adhérer à leurs idées qu'à examiner en détail leurs écrits.

Modiano, je pense en gros comme toi. Je connais mal Drieu.

Lu dans le magazine littéraire de fevrier 2012 consacré aux "ecrivains et l'occupation" :

Otto Abetz imposa son ami Drieu La Rochelle à la NRF (Gallimard), dont ce dernier s'était éloigné par haine des écrivains communistes dont Aragon.

Citation :

"Quant à la NRF elle va ramper à mes pieds. Cet amas de juifs, de pédérastes, de surréalistes timides, de pions francs-maçons, va se convulser misérablement. Gallimard, privé de son Hirsch et de quelques autres, Paulhan privé de son Benda, vont filer le long des murs, la queue entre les jambes".

in Journal 1939-45 CF. aussi pp; 64-65.

De plus je trouve un article sur Drieu La Rochelle.

rotko a écrit:

Selon les connaisseurs (un prof de la sorbonne), Drieu serait supérieur à Céline dans l'art d'écrire.

Rotko... Pas toi !