Balzac

Je ne sais pas encore quel sera mon prochain Balzac. Peut-être vais-je me procurer Une ténèbreuse affaire mais pour le moment je suis davantage attirée par ses portraits féminins.
La vieille fille a l'air gratiné à souhait, Le Lys dans la vallée est paraît-il une petite merveille. D'autres idées ? (Peut-être La fille aux yeux d'or vantée par rotko ?)

Moon a écrit:

(Peut-être La fille aux yeux d'or vantée par rotko ?)

Oui, la fille aux yeux d'or c'est un récit court et moins connu que le lys dans la vallée.

Elle ( la fille) se réclame du vice sans "ambiguité" (encore qu'une lecture attentive soit indispensable), alors que des interprétations erronées et bien pensantes rôdent autour du lys dans la vallée.

Autant choisir un aspect plus trouble de Balzac que son côté académique : je veux dire par là qu'on pourrait se demander pourquoi on a fait du lys une oeuvre sous une forme édulcorée à étudier dans les écoles.

Alors, je n'y ai rien compris au lys !
Pour moi, il n'y avait aucune ambiguïté (?).
Je vais bientôt lire "La vieille fille".
Le titre n'est pourtant pas engageant.
Mais sa maestria psychologique a dû encore faire des merveilles.

Reporte-toi à la page 1 de Balzac sur GDS*. Madame de Mortsauf n'est pas une figure vertueuse : elle ressent des désirs charnels et regrette bien de les avoir tus à Félix de Vandenesse.

En général les saintes personnes s'assagissent au moment de la mort. Elle, au contraire, déplore d'avoir pu offrir l'image d'une figure édifiante.

Ces regrets, comme la description de Balzac au début du lys, interdisent, à mon sens de voir en elle un modèle de vertu conjugale.

Cette dimension m'avait échappé en première lecture. Ca me donne bien envie de le relire sous un autre angle.

le journal le Monde se lance dans une publication des oeuvres de Balzac. Qui s'en désolerait ?

Il donne le premier tome (Père goriot + Chabert), gratuit. Parfait.

Mais

je trouve injuste que les lecteurs occasionnels du Monde puissent obtenir dans les maisons de la presse le N°1 gratuit des oeuvres de Balzac, et que les abonnés, soutiens fidèles, en soient privés.

Max Gallo fait dans lemonde un article "contemporain" sur Rastignac, sans s'éloigner du texte.

Citation :

Combien de Rastignac à HEC, à l'ENA, parmi les traders des grandes banques qui jonglent avec des centaines de millions d'euros ?

Citation :

l'Argent, grand souverain des êtres et des choses, apparaît. Le Père Goriot ose le nommer, car Rastignac vit le commencement d'une société qui dit crûment le prix d'un repas, d'une chambre, d'une redingote, mais aussi d'une âme.

Qui sait et avoue que le revenu, l'héritage, le pourboire, les rentes, les prêts, les dettes, la dot, déterminent les comportements et les sentiments. On aime, on se marie, on se vend, on s'avilit, on dénonce, on tue, on oublie pour de l'argent.

Certes les codes sociaux, les beaux prétextes, les nobles causes demeurent. Mais Rastignac apprend à voir. "La dot vous rendra blanc comme une robe de mariée." "Le monde est une réunion de dupes et de fripons." "Frappez sans pitié vous serez craint."

je donne le lien car l'article est bien fait avec des citations pertinentes.
Gallo oublie pourtant une des voies (négligée) qui s'offrait à Rastignac : parvenir honnêtement par son travail et ses études.

Ce ne fut pas la voie de Rastignac, mais celle d'Horace Bianchon, le médecin de la Comédie Humaine.

Rotko:
Balzac n'est pas un auteur cher... Il est en téléchargement gratuit sur le Net et en œuvre quasiment intégrale dans les poubelles des vide greniers.

Si vous avez Eugénie Grandet: ouvrez-le à la première page, respirez trois fois à fond, expirez, et lisez tout haut.
"Il se trouve dans certaines villes de province des maisons dont la vue inspire une mélancolie égale à celle que provoquent les cloîtres les plus sombres, les landes les plus ternes ou les ruines les plus tristes. [...]
Tentez l'expérience en public sans dire qui est l'auteur, et écoutez les réactions: wah, c'est beau... c'est qui ça je connais pas ?

On peut le télécharger ici, en livre audio: http://www.livreaudiogratuit.com/balzac-eugenie.htm

Sphynx a écrit:

Balzac n'est pas un auteur cher... Il est en téléchargement gratuit sur le Net et en œuvre quasiment intégrale dans les poubelles des vide greniers.

J'ai tous les livres de Balzac et certains même en plusieurs exemplaires.
Mais j'ai été piqué au vif quand une amie m'a téléphoné pour me dire qu'elle avait eu gratos le père goriot et la colonel Chabert, le tout dans un belle édition, sans même acheter le monde dans une maison de la presse.
J'attendais donc mon "cadeau" (rire), je me suis présenté - et me suis fait éconduire comme un malpropre, ce qui n'est pas agréable !

Sphynx a écrit:

Si vous avez Eugénie Grandet : ouvrez-le à la première page, respirez trois fois à fond, expirez, et lisez tout haut.
"Il se trouve dans certaines villes de province des maisons dont la vue inspire une mélancolie égale à celle que provoquent les cloîtres les plus sombres, les landes les plus ternes ou les ruines les plus tristes. [...]

Ce début d''Eugénie Grandet je le vis quand je me promène à Clisson, petite ville près de Nantes où coule la Sèvre. Au fur et à mesure qu'on monte ou descend ses rues étroites, on voit bouger des rideaux et des visages s'interroger sur les présences inhabituelles...

La messe de l'athée

Dans la comédie humaine, deux personnages reçoivent sans cesse les éloges de Balzac : Despleins et Horace Bianchon, Tous deux appartiennent au corps médical.

Dupuytren est bien vu lui aussi, et il a donné son nom à une maladie qui frappe essentiellement les travailleurs manuels.

Bref, Despleins a pour disciple Bianchon, et tous deux, très amis, se moquent bien de la religion. Pourtant un jour Bianchon surprend son maître à l’Eglise Saint-Sulpice, assistant à une messe qu’il a commandée pour la Vierge Marie ! Il ne lui reste plus qu’à élucider cette étrange conduite.

Cette courte nouvelle est très séduisante car elle s’intéresse aux débuts étudiants de ces deux grands hommes. On avait déjà vu Bianchon étudiant dans le père Goriot, ici on découvre un secret de jeunesse de son maître.

Balzac s’incline modestement devant cette belle figure généreuse.

Il en oublie de baratiner !

Vous pouvez télécharger la messe de l'athée

Un extrait

Citation :

De tous les élèves que Desplein eut à son hôpital, Horace Bianchon fut un de ceux auxquels il s’attacha le plus vivement. Avant d’être interne à l’Hôtel-Dieu, Horace Bianchon était un étudiant en médecine, logé dans une misérable pension du quartier latin, connue sous le nom de la Maison-Vauquer.

Ce pauvre jeune homme y sentait les atteintes de cette ardente misère, espèce de creuset d’où les grands talents doivent sortir purs et incorruptibles comme des diamants qui peuvent être soumis à tous les chocs sans se briser. Au feu violent de leurs passions déchaînées, ils acquièrent la probité la plus inaltérable, et contractent l’habitude des luttes qui attendent le génie, par le travail constant dans lequel ils ont cerclé leurs appétits trompés.

Horace était un jeune homme droit, incapable de tergiverser dans les questions d’honneur, allant sans phrase au fait, prêt pour ses amis à mettre en gage son manteau, comme à leur donner son temps et ses veilles. Horace était enfin un de ces amis qui ne s’inquiètent pas de ce qu’ils reçoivent en échange de ce qu’ils donnent, certains de recevoir à leur tour plus qu’ils ne donneront.

rotko a écrit:

la fille aux yeux d'or

c'est le troisième roman de l'histoire des Treize ( ""La duchesse de Langeais", "Ferragus", "la fille aux yeux d'or").

C'est un conte oriental où, à travers la recherche de l'or et du plaisir, on trouve de la volupté, du sang et de la mort. Des palais luxueux et inaccessibles (sinon avec mot de passe ! ) servent de cadre à des amours clandestines qui conjuguent toutes les variantes du plaisir : fétichisme, érotisme, sadisme et amours saphiques, voilà un condensé des activités de nos personnages. On goûtera à froid l'éloge du cigare, à chaud un « lapsus interruptus ». L'être humain est une pièce (d'or) dont l'avers est l'homme et la femme, son revers!

Ce roman, Balzac avait prévu de l'appeler "La femme aux yeux rouges". Un ami lui a fait remarquer qu'on pourrait croire à une femme qui pleurerait tout le temps, alors Balzac a changé. Heureusement....

ekwerkwe a écrit:

rotko a écrit:

A part une tartine sur la société parisienne (digression de 11 pages, je crois), La duchesse de Langeais est un récit passionnant :

Un début inhabituel chez Balzac, en plein cœur de l’action. Montriveau, général victorieux de l’armée napoléonienne entre dans une cathédrale espagnole. La musique d’orgue est si puissante et si belle qu’elle ravive en lui des souvenirs d’amour : seule la duchesse de Langeais peut jouer de cette façon.

Il décide de l’enlever du couvent. Entre temps le lecteur apprend tout de ses amours, de ses incroyables péripéties, mais aussi des souffrances et des résolutions du général, qui est, disons-le, un fauve dans sa catégorie.

Dans mon souvenir, elle ne jouait pas de l'orgue, elle chantait - et sa voix était comme un fil d'or dans le tissu plus rêche de l'ensemble du choeur. Mais ma lecture est bien lointaine, je ne me souviens plus du tout de cette histoire de confrérie des 13, de l'assault du couvent, etc. Alors il se peut qu'en fait, je mélange avec une métaphore lue ailleurs.
De même pour "Le lys dans la vallée". Je l'ai lu si jeune que je n'y ai probablement rien compris, et je me souviens seulement que c'est affreusement triste.

Pour ma part, je trouve que les réflexions du début sur l'aristocratie et le faubourg st germain en déliquescence sont passionnantes. C'est une mine précieuse d'informations sur le contexte houleux de l'époque, après les révolutions.

bien, mais si on lit plusieurs Balzac d'affilée, on commence à connaître le refrain : la chaussée d'Antin contre le faubourg Saint Germain etc.

je repensais à la discussion que nous avons sur les aspects annexes de slumdog millionaire : chez Balzac on a frequemment l'aisance qui se dilue, qui se délite, et qui met le personnage à la rue : Goriot, Chabert, le curé de Tours,le Cousin Pons...

j'ai beau plaider pour la fille aux yeux d'or, je crains de n'avoir converti personne.

rotko a écrit:

bien, mais si on lit plusieurs Balzac d'affilée, on commence à connaître le refrain : la chaussée d'Antin contre le faubourg Saint Germain etc.

je repensais à la discussion que nous avons sur les aspects annexes de slumdog millionaire : chez Balzac on a frequemment l'aisance qui se dilue, qui se délite, et qui met le personnage à la rue : Goriot, Chabert, le curé de Tours,le Cousin Pons...

j'ai beau plaider pour la fille aux yeux d'or, je crains de n'avoir converti personne.

Mais si ! C'est un petit roman magnifique et virtuose.

En plus, ce cout roman, parmi d'autres, montre que Balzac n'est pas que réaliste, et sensible à une forme d'ésotérisme et de spiritualité, idée qui se retrouve déjà dans le titre d'ailleurs. Je regrette vraiment que Balzac soit entièrement assimilé à un réaliste dans de nombreux esprits, il est tellement plus que ça !

je me dis périodiquement que je devrais relire ursule Mirouet, très inattendu, en tout cas pour moi, dans les romans balzaciens.

On y voit un fantôme...

Ah ? Je ne connaissais pas ce titre. J'irai voir. Un autre exemple éclatant de cette idée est La Recherche de l'Absolu

Je viens de lire La Duchesse de Langeais, je l'étudie en cours. Je l'ai trouvé magnifique et très poignant. Je recommande vivement cette lecture ! En plus, c'est un roman où Balzac relate une de ses propres expériences amoureuses : son aventure manquée avec Mme de Castries. Ca donne encore plus de piment !

oui, un livre que j'aime bien aussi.

Balzac rêvait-il de faire subir à sa maîtresse des sévices aussi outrageants que ceux médités par le général Montriveau ?

La bande des treize est quand même une belle invention : avoir dans toutes les couches de la société des complices (12 en tout + 1) prêts à vous venir en aide, quels que soient les actes (criminels ou non) et les mobiles.

Oui, c'est tellement romanesque ! Et c'est génial de s'attacher à relater les aventures de plusieurs de la société des Treize. Et on constate leur efficacité dans l'enlèvement de soeur Thérèse ! Ils sont soudés à la vie à la mort, pour des raisons somme toute obscures, que Balzac ne précise pas. Et c'est mieux ainsi je trouve.

bonjour a tous !

j suis nouvelle sur ce forum et j travaille actuellement sur la Recherche de l absolu, livre que j'ai trouvé incroyablement puissant. Pourtant je le trouve très peu référencié...Je me demande ce qui fait que l on parle tellement de certains Balzac et qu on laisse de coté d'autres oeuvres pourtant tres interessantes...La fille aux yeux d or m a l air tres bien et j pense le lire tres prochainement!Quelqu un a t il lu Louis Lambert?

oui, j'ai lu louis Lambert, mais je n'ai pas un souvenir très précis sinon qu'il fait appel à des phénomènes occultes, un des dadas de Balzac. On y trouve l'illusion du déjà vu, et des considérations dans la lignée de svedenborg.

Ce n'est pas en ce sens que je penserai à la recherche de l'absolu : Balthazar Claes représente le type de chercheur obstiné, hanté par ce qu'il cherche certes, mais Balzac insiste comme d'habitude sur la ruine entraînée dans son environnement familial. C'est du moins ainsi que j'ai lu ce livre.

Les descriptions liminaires du mobilier familial m'ont séduit.

Malheureusement, Balzac est trop considéré comme un auteur réaliste. Son expression "concurrencer l'état civil" lui a fait finalement du tort au XXè et XXIè siècle, car on la ressort à toutes les sauces. Et les oeuvres les plus connues, les plus étudiées en lycée sont les plus réalistes, comme Le père Goriot.

Mais Balzac, il ne faut surtout pas l'oublier, était également un grand romantique, attiré par le courant romantique, et un grand spiritualiste, avec justement La recherche de l'absolu. Il est aussi attiré par le fantastique, en témoigne La peau de chagrin. Bref, Balzac possède énormément de facettes, dont on parle trop peu. C'est sûr que les oeuvres comme Le lys dans la vallée, La recherche de l'absolu, La fille aux yeux d'or sont moins étudiées (voire pas du tout) par rapport au Père Goriot, à Eugénie Grandet etc.

Mais bon, moi ça ne m'empêche pas de tout aimer ! Je trouve simplement ça dommage que des lycéens peu curieux ne découvrent pas tout ça.