Claudine Chonez

Hier soir, je suis tombée sur ça :


Il y a eu
le pays sans cloison le regard sans clôture
clouant la nuque stupéfaite.

Pfiou !

Claudine Chonez, née en 1906 et morte en 1995, est une journaliste et écrivaine-poètesse.

D’abord sculpteur, elle se lança ensuite dans le journalisme. Correspondante de guerre de 1943 à 1946, ce fut l’une des premières femmes dans ce métier. Journaliste littéraire à l'ORTF, elle a fait partie des « compagnons de route » du PCF. Elle a publié des articles pour divers journaux, a établi une correspondance avec Gide et a milité, notamment, pour le droit à l'avortement. Elle a collaboré à divers journaux dont Libération et Les Lettres Françaises.

Elle a publié des recueils de poèmes, des romans et des études-portraits d'auteurs et artistes comme Jean Giono, George Sand, Paul Claudel, Albert Camus...

« Il y a des hommes qui ont une exquise tendresse, bien supérieure à celle des femmes, dures et impérieuses ; mais du point de vue intellectuel, il n'y a, je pense, aucune différence entre les hommes et les femmes. » (in Présence de George Sand, 1978)



Quelqu'un connait-il ses écrits ?

je crois l'avoir entendue à la radio, mais sans connaître ses poésies.

Je viens de recevoir le recueil Les portes bougent. Petit ouvrage (34 pages) très dense et qui me ravit.

Anecdote rigolote : à l'intérieur se trouve une dédicace à un certain Jules Supervielle. Au début, je me suis dit que ce devait être un illustre inconnu mais j'ai quand même tenté ma chance sur google. Et l'homme est connu, de Wikipédia et même sur GDS !

C'est marrant, je trouve, d'avoir entre les mains un ouvrage qui est passé des mains d'une poétesse aux mains d'un poète...

Beau texte Luca.

C'est donc un tout petit recueil (moi, je dis que ça ne devrait pas être permis de publier des recueils aussi minces, rapport à la frustration du lecteur) sans cohérence (re-frustration).

Certains textes d'un beau lyrisme :

La vie en rouge

Le sang des Corréens
l'arbre de mer aux épines rouges
le bétail forcé dans le corral
l'amour aux lèvres mordues
le pavot froissé des moissons
- il y a un monde pourpre autour de nous
et le soleil qui meurt comme un prêtre en camail*...

Nuit régulatrice rose de phares
l'homme couturé de cicatrices
somnole à tes berceaux. Mais une aube
comme un incendie à sa nuque
une aube brûleuse de poisons
le lèvera à vif dans sa jeunesse
baigné de sources blanches
l’œil matinal saluant sa terre
et la main chaude à soupeser les graines.


D'autres drôles et cinglants (je pense alors à Calaferte ou Céline) :

Petit mort

C'est une puce genoux
veillant sur le linceul
du trépassé dessous.
Il n'est pas mort trop seul

malgré la puanteur
et malgré la misère :
une puce est sa sœur
une puce est sa mère.

La famille est venue
elle n'a pas sauté
à la gorge si nue
d'un' fille emperlousée**

ni au caleçon long
du gendre colonel
qui gagna ses galons
sur les morts à l'appel.

Elle a ouvert ses ailes
elle s'est mise à bruire
à l'entrée de l'oreille
par où l'âme veut fuir :

Petit homme petit vieux
petit cadavre pâle
ne va pas chez l'bon dieu
c'est lui le général.


* Je ne connaissais pas le camail ecclésiastique : sorte de pèlerine sans capuche, portée par le clergé de l'église catholique dans certaines circonstances, appelé aussi mosette (et souvent rouge).
[i][size=9]** Emperlousé : (péjoratif) orné de perles. Parasynthèse (dérivation lexicale par affixation simultanée de deux affixes) de perlouse (mot d'argot pour perle mais aussi pour pet).