Serge Tisseron et le virtuel...

Serge Tisseron, Nos secrets de famille, Ramsay.
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Silences et non-dits.
Au départ, la distinction est établie entre les secrets individuels qui font partie de notre intimité et les secrets de famille qui font des ravages chez celui qui les découvre sur le tard ou qui en pâtit durant sa vie. L'enfant, notamment, est bien conscient des silences établis, et il bâtit tout autour des architectures secrètes et douloureuses.
Car les secrets ont toujours des "suintements"; Ils entraînent des sequelles qui peuvent traverser des générations. De ce côté, Tisseron rejoint Anne Ancelin Schûtzenberger,("Aîe, mes aieux"). Comme elle, Tisseron évoque des exemples précis, mais il se répète, si bien que le livre est à parcourir plus qu'à lire. Des idées intéressantes, comme les secrets d'Etat dans les régimes totalitaires, sont indiquées mais non développées.

En fin d'ouvrage, une bibliographie complaisante rappelle que Tisseron a étudié Hergé et son oeuvre. On pense aussi à des romanciers qui s'inspirent de ce thème : Anna Enquist, "Le secret", (Actes Sud) et Bernhard Schlink, dans "la petite fille au lézard" (in "le liseur") pour des récits de grande qualité.

Virtuel, mon amour ou penser, aimer, souffrir à l'ère des nouvelles technologies, édité chez Albin Michel, explique les transformations de nos relations grâce aux nouvelles technologies.

Ainsi le téléphone portable permet de joindre à chaque instant la personne voulue : non qu'on la désire pour elle-même, mais on voudrait qu'elle s'intéresse à nous le gosse qui demande à sa mère : t'es là ? kesketufais ? n'agit pas autrement...

L'écran a remplacé le miroir, on s'y voit sous différentes identités, plus ou moins véridiques, faut bien dire

Ainsi quoi de plus commun de changer de sexe(sur internet !) pour entrer en contact avec quelqu'un (e), et par les confidences obtenues entre égaux du même sexe, reprendre ensuite son vrai rôle et faire jouer des coincidences miraculeuses, c'est la stratégie de l'âme-soeur enfin découverte :-)

Instructif, distrayant, Tisseron explore nos relations sur internet où "le lointain devient proche, tandis que le proche devient lointain" !

L'auteur parle avec justesse des "voix sans corps" que nous écoutons, des multiples identités que nous endossons : le domaine est vaste, et j'y apprends des choses sur vous... - et sur moi

Les trois moments du blog, du site, du profil, etc. selon Serge Tisseron

- la période narcissique (« monde placentaire ») : élaboration du blog, mise en scène du moi, de ses goûts, de ses qualités physiques ou intellectuelles ou gastronomiques.

- Après la prospection, vous recevez une visite avec des commentaires : c’est la reconnaissance dans le regard d’autrui, c’est comme « le regard de la mère » .

- entrée dans le monde des autres : vous faîtes maintenant partie d’une communauté dont vous ignoriez l’existence, et même de plusieurs communautés…

Le petit Poucet marche à grands pas

Les nouvelles technologies transforment nos relations avec les vivants (ce qu'on verra plus tard), mais aussi avec les morts. Ceux-ci nous parlent encore ou interviennent dans nos souvenirs, dans nos rêves,etc.

Dans quelques cimetières américains
" au-dessus de la tombe du disparu, un bloc de pierre contient un clavier encastré. Il suffit de taper le nom du mort pour le faire apparaître sur un écran[...] on peut le voir partager sa vie de famille comme à la veille de son départ, mais aussi le convoquer bébé, adolescent ou jeune marié. Les enregistrements du défunt sont accompagnés d'un fond sonore soigneusement choisi. Effet dramatique garanti..."

On parle même d'enregistrements par la société des pompes funèbres, délivrant les mots que les futurs défunts n'ont pas su dire de leur vivant. Ce qui ouvre le risque de secrets de famille - ou de vacheries, dont hériteront les survivants, à leurs dépens.

Tisseron,Virtuel, mon amour

Comment se passent les amours sur Internet ?

La moitié des rencontres des trentenaires se fait par Meetic ou des sites d‘échanges, sans parler des autres facebook, myspace, ou second life.

Le scénario est bien connu : on partage des goûts virtuels pour aboutir finalement à une « rencontre en vrai ».

Des fois, ça marche. Tisseron insiste sur les difficultés rencontrées.

Les échecs fréquents viennent

- d’ une communication réelle moins complète que par Internet. En vrai le partenaire est beaucoup plus réservé que sur le net.

- de la propension à coller sur le réel les attentes et les fantasmes de l’imagination.
A la première frustration réelle, on se retourne vers une autre connaissance virtuelle.
Certains disposent d’un véritable réservoir de partenaires de secours… Au suivant !

Tisseron identifie deux situations :

- Le « Miroir du soliloque » : L’internaute recherche seulement la rencontre de soi dans tous les appels à l’autre ! Il adopte plus la posture du pêcheur que celle du chasseur : celui-ci part à la découverte quand celui-là veut tout ramener à soi, ( c’est pourquoi il soigne la fiche donnant une idée appétissante de sa personnalité).

- Le « Parloir des étrangers » : On communique longtemps à distance pour réduire le danger de rencontrer quelque un qui déplaise : Mais il y manque la dimension physique qui crée le trouble du désir amoureux, les odeurs, la grâce des gestes, ce qui fait la « présence » physique..

Peut naître alors une sorte de bigamie virtuelle, voire une polygamie, avec contacts réguliers aux différents moments de la journée.

On se touche à distance par clavier interposé : l’effleurement des touches devient la caresse de l’être cher etc.

Chaque fois que j'entends Tisseron, il me donne le sentiment d'avoir réinventé l'eau chaude ... :idea:

Je suis d'accord avec toi, même si j'ai beaucoup aimé en son temps sa psychanalyse de Tintin.

L'avantage est que la lecture en est facile, ce qui, pour moi, débroussaille le terrain.

je continue mes (= Tisseron) platitudes sur l’influence d’Internet et autres médias sur les relations de l’ado dans sa famille J

Avec les différentes communautés fréquentées, l’adolescent actuel se découvre une famille ou un entourage qui déborde largement les anciens schémas.

Au niveau de la famille, il ressemblerait un peu à Tintin qui constitue son entourage de rencontres diverses sur le Net. Ainsi se constitue , avec une ambivalence des sentiments bien connue, une famille virtuelle adorée aux dépens parfois d’une famille réelle haïe.

Il n’est pas rare de voir un ado parler avec d’autres internautes de son intention de quitter sa famille réelle, et même de demander conseil sur cette résolution.

La fréquentation d’Internet amène le déclin des pratiques familiales communautaires telles que les discussions à table autour d’un film ou le partage de goûts musicaux. La porte de la chambre isole du milieu familial pour le milieu virtuel.

Tisseron parle avec humour du téléphone portable offert pour les parents pour tenir l’ado en laisse : en fait celui-ci s’en sert pour appeler ses amis et il échappe, encore plus, à l’intérieur même de la maison à ses « contrôleurs.

Les parents affichent souvent leur mépris pour les jeux vidéos :ceux-ci permettent pourtant d’acquérir des connaissances et le sens des relations.
Les parents ignorent, dit Tisseron, ces possibilités, et s’arqueboutent sur le contrôle des résultats scolaires et les choix professionnels alors que l’acquisition des nouvelles techniques offre d’intéressants débouchés.