La mort des parents - Lydia Flem

Lydia Flem, Comment j’ai vidé la maison de mes parents, Seuil.

Des moments délicats.

Citation :

Devenir orphelin, même tard dans la vie, exige une nouvelle manière de se penser.

Lydia Flem analyse pudiquement et précisément l’épreuve du deuil quand, à la mort des parents, on est confronté à la maison familiale.

Intense désarroi devant cette indiscrétion qui consiste à fouiller leurs affaires, à lire leurs papiers, leurs courriers, à apprendre ce qu’ils n’ont pas jugé utile de dire.

On hérite aussi, non sans embarras, de ce qu’ils n’ont pas voulu donner de leur vivant : tel tableau, tel bijou, tel meuble. Parfois même, on doit vite s’en séparer car ils encombrent par leur présence matérielle, leur portée affective ou symbolique.

L’auteur situe bien la question :

Citation :

Autour de mort et de la naissance (de la maladie, de la rencontre, de la séparation amoureuse, etc.) les sentiments se pressent dans un élan si vif qu’ils nous déstabilisent, nous bousculent par leur puissance et leur désordre. Ce sont des moments d’intense remaniement intérieur. Ils nous entraînent à explorer des chemins jamais parcourus, à rouvrir des pistes mal balisées, à oser franchir des obstacles qui paraissaient impossibles à affronter. Ils nous conduisent au-delà de nous-mêmes.

Lydia Flem parle aussi de sa propre expérience, on fait ainsi avec elle un bout de route difficile, mais accompagné.

Et c'est tout ce qu'elle trouve à dire ?

J'ai lu ce livre en vitesse et un peu par curiosité il y a quelques années. Je n'en ai qu'un souvenir vague mais il me semble qu'il y a des moments touchants. Elle s'interrogeait sur les mots :"Vider la maison" ou la "ranger" ou la "fermer". Et ce que ces petits actes évoquaient (ce qu'on laisse derrière, ce que l'on choisit de jeter ou de préserver).
Mais oui, sans doute, elle restait un peu en surface.

J'ai ressenti très fortement, lors de la disparition de mes parents, il y a déjà pas mal d'années, un vertige à réaliser que je me trouvais désormais tout en haut de la pyramide. Le malaise était d'autant plus grand que je savais, en même temps, que je n'aurai plus jamais leurs bras ou leurs mots apaisants pour me réconforter.

AdL a écrit:

J'ai lu ce livre en vitesse et un peu par curiosité il y a quelques années. Je n'en ai qu'un souvenir vague mais il me semble qu'il y a des moments touchants. Elle s'interrogeait sur les mots :"Vider la maison" ou la "ranger" ou la "fermer". Et ce que ces petits actes évoquaient (ce qu'on laisse derrière, ce que l'on choisit de jeter ou de préserver).
Mais oui, sans doute, elle restait un peu en surface.

Certes, ce n'est pas un traité ou une étude sur le deuil. Quelle en serait l'utilité pour une personne confrontée au chagrin ? elle aurait la même réation que l'empereur Hadrien devant une "consolation" envoyée par un philosophe après la mort d'Antinoüs : "rien n'y manque" dit-il, des lieux communs et habituels propos de sympathie.

Ce petit livre situe le propos, à chacun de poursuivre : vider , c'est vider son coeur, vider une querelle, faire le vide aussi, dit lydia Flem.
Le mot est brutal comme dans "vider" une volaille.

Reviennent en mémoire les propres liens des disparus avec leurs ascendants.
Ce livre aussi édité en gros caractères, (Edition "à vue d'oeil")donc a priori pour des personnes âgées, a aussi valeur d'avertissement. Chacun le lira ou le parcourra à son étage.

rotko a écrit:

(Edition "à vue d'oeil")donc a priori pour des personnes âgées, a aussi valeur d'avertissement. Chacun le lira ou le parcourra à son étage.

Cela a dû faire du bien à l'auteur de l'écrire mais je ne vois pas en quoi on peut être averti dans ce domaine...L'expérience est à se faire, tout seul...et quel que soit l'âge...Il n'y a pas que les personnes âgées qui décèdent ou perdent leurs parents.

... à priori pour des personnes âgées >non, au contraire!
-Le texte (ou le titre) attire plutôt la génération "qui reste". Comme le dit Coline le deuil ici est vécu par les "survivants" dans l'ordre naturel des choses. Ce qui nous fait, un jour ou l'autre, accéder au sommet de la pyramide.

(C'est pour ça que j'ai eu du mal à traverser cet ouvrage : ça me gênait d'être témoin d'une douleur que je n'ai pas encore vécue, tout en me sentant aimantée par la nécessité de l'aborder parce que, encore une fois, c'est ou ce sera ds l'ordre des choses même si c'est dérangeant).

-Je constate aussi que les personnes âgées ont du mal à rester des lecteurs : elles se plaignent de la sinistrose dans le roman actuel (>Littell, Nemirovski il y a 2 ans, pour ne citer que les prix). C'est un vrai problème! Elles ont eu leur dose des évènements les plus sombres du XXè s. -si je puis dire, par leur vécu, le vécu de leurs parents ou par leurs lectures précédentes.
J'ai un petit budget pour acheter des titres en grands caractères (puisque tu cites l'éditeur "A vue d'oeil" Rotko), et je préfère sélectionner le dernier Jean-Paul Dubois ou les Paasilana en double exemplaire plutôt que Les Ames grises ou La petite robe de Paul.

- "Ce petit livre situe le propos, à chacun de poursuivre..." Oui, c'est pourquoi je pense, comme Coline, que ce genre de texte fait d'abord du bien à celle qui l'écrit.

Quelqu'un a lu le beau témoignage de Noelle Chatelet?
La Leçon ou La dernière leçon.

C'est la dernière leçon parue aux éditions point seuil.

Je ne l'ai pas lu, il raconte la mort volontaire de sa mère et a reçu le Renaudot des lycéens en 2004. Je n'ai pas lu non plus Une mort très douce de Simone de Beauvoir.

Vous trouverez d'autres titres sur ce blog

Citation :

Hommage discret à Lewis Carroll, l'héroïne traverse réellement le miroir lorsqu'elle se découvre un cancer. Chez Lady Cobalt comme dans le laboratoire du Grand Chimiste, elle converse avec des objets magiques et des personnages extravagants: la Licorne, Cherubino Balbozar, le Grincheux, le docteur H., les Contrôleurs, la Plume, l'Attrape-Lumière... Persécutée par les uns, protégée par les autres, la dame aux turbans se joue des épreuves et devient la Reine Alice. Lydia Flem a l'élégance de parler de choses graves avec tendresse, humour et malice. D'une grande intensité, ce roman invente une langue pour dire le désarroi qui peut nous mordre à certains moments de l'existence: entre rires et larmes.

« Se battre contre soi même est un combat bien singulier, tellement plus rude à mener que battre le fer contre chez l’adversaire.
Suis-je une ou deux ? La maladie est-elle mon ennemie ou ma part d’ombre, peut-être même mon trésor ? Et si la Reine Rouge avait raison ? J’ai attrapé la Reine des maladies. Et si c’était une chance ?
J’y gagnerais à devenir une reine…
La Reine Alice. »

Lydia Flem, tout comme Alive a fait sa traversée du miroir. Dans un récit touchant, drôle, tendre, caustique, fantastique au sens premier du terme, poétique, féerique, elle va évoquer la maladie sans jamais lui donner son vilain nom.
Pour parler de ce parcours du combattant, Lydia Flem fait appel à Lewis Carroll en donnant vie à des personnages fantasques qui vont accompagner Alice.

Lydia Flem pose un regard décalé, mais juste et réaliste sur ce que vit un ou une malade au quotidien. Il n’y a jamais de voyeurisme, au contraire, on se surprend à sourire dans les situations qui d’ordinaire ne s’y prêtent pas. Tous y sont métaphore, images, jeux de mots

Je ne peux m’empêcher d’y voir un message ; en effet Lydia Flem est psychanalyste….Et si dans ce conte, elle nous signifiait qu’en fin de compte, la maladie avait un sens ?

Ce livre se lit très facilement, les chapitres y sont courts. L’écriture est dynamique, tonique.Des illustrations sont insérées au milieu du texte, accompagnées d’extraits. J’ai trouvé que cela apportait une touche supplémentaire d’originalité à un texte qui n’en manque pas.
J’ai aimé la fraicheur, la pudeur, et le réalisme de ce texte. Il peut être lu par celles et ceux qui traversent le miroir : cela ne peut être pour eux qu’une bouffée d’oxygène. Il devrait être lu par les autres pour l’extraordinaire leçon de vie qu’il constitue.
Ce fut un bonheur que de le lire .Ce serait un bonheur d’autres aient envie de le lire, et le dégustent autant que moi .Un coup de cœur à partager


En guise de conclusion, et pour donner à réfléchir, pour la route…

« Votre version de l’histoire n’est pas exactement ma version de l’histoire. Mais c’est votre traversée derrière le miroir, je n’ai pu que vous y accompagner, être à vos côtés quand vous aviez besoin de moi. Vos compagnons de route et moi-même n’avons rien fait, seulement parfois donné une chiquenaude, une petite impulsion, l’élan était en vous, l’élan est en vous… » Dit le blanc lapin à la Reine Alice

«Le présent est le présent. Le présent est un cadeau permanent. Il contient tous les possibles, le présent contient l’imprévisible. Il n’y a pas d’autre liberté. Le présent contient à chaque instant toute la vie. »

Je découvre ce fil aujourd'hui ! J'ai lu Une mort très douce et La dernière leçon.

Le livre de S. de Beauvoir que j'ai dû lire peu après sa parution dans les années 60 me laisse le souvenir d'un récit d'abord frappant de froideur, ce qui m'avait choquée en son temps, mais au fil des pages, on découvrait une révolte et une souffrance, pudiques finalement, face à l'acharnement thérapeutique, en même temps qu'une dénonciation du comportement de certains médecins. Je me souviens aussi avoir été frappée par la prise de conscience de l'auteur de sentiments contradictoires liés au fait qu'elle se trouvait au chevet d'une femme avec qui elle avait eu de sérieux affrontements mais qui au temps de sa petite enfance n'était que tendresse et douceur. Enfin apparaissait le fait que cette mère avait bénéficié d'"une mort très douce", elle à qui avaient été épargnées les terribles souffrances de bien des cancéreux de l'époque.

Quant au livre de N. Châtelet, j'en ai un souvenir particulier car je l'avais offert à ma propre mère, alors très âgée, qui souhaitait le lire ; je l'avais lu ensuite et nous en avions longuement discuté ; ma mère avait été scandalisée par le comportement de Mme Jospin, non parce que cette dernière avait choisi de se donner la mort mais parce qu'elle avait imposé à ses enfants, et plus particulièrement à sa fille qui l'avait accompagnée jusqu'au bout, d'être tenus au courant jour après jour de cette programmation ; elle trouvait cela cruel, indigne d'une mère ! Je partageais en partie son point de vue ; s'y ajoutait le fait que j'avais le sentiment, là aussi, d'avoir affaire à deux femmes, la mère et la fille, tout à fait privilégiées elles aussi puisque l'une avait pu se procurer aisément de quoi mettre fin à ses jours et que l'autre, "spectatrice" parfaitement au courant, avait pu, en toute impunité, respecter ce choix alors que la justice aurait pu lui demander des comptes.

J'ajoute qu'à l'époque, et durant cinq ans, j'ai eu des échanges extrêmement riches et précieux avec ma mère, que j'allais voir chaque fin d'après-midi durant deux heures environ. Nous parlions, elle revenait sur son passé, se livrant à une sorte de bilan de vie mais, en même temps, elle restait très curieuse de tout ce qui passait dans le monde ; et surtout, elle confrontait son point de vue et ses interrogations aux miens, ceux de sa fille certes mais aussi d'une femme d'une autre génération. Au fil des mois, des années, j'ai eu le sentiment que je l'aidais à apprivoiser sa mort et qu'elle me faisait le cadeau de m'aider à accepter sa disparition. Au final, elle s'est éteinte dans une sérénité que j'ai partagée et j'ai eu le sentiment d'un accomplissement réussi, fondé sur l'essentiel. Après sa mort, j'ai écrit ce que je me rappelais de nos échanges, pour ne pas oublier ce qui, souvent, était de l'ordre du fugace. Plus tard, j'ai publié ce récit sous le titre "Nous nous sommes tout dit".