Point de vue
Sebreli et le Che Guevara
Le personnage sur qui Sebreli s’acharne le plus, est le
Ché Guevara.Sa famille d’origine bourgeoise était appauvrie, mais illustrée. Sebreli le présente comme un aventurier, sans objectifs dans la vie, à la recherche de moulins de vent, un Don Quichotte de notre temps.
Lui se sentait proche de ce héros, sans soupçonner que poursuivre cette chimère le conduirait à l’échec.
Sa rencontre hasardeuse avec Castro l’avait mis brusquement dans le cœur d’une révolution.
D’aventurier passif qu’il avait été au début, il s’était transformé en un autre, violent , aimant la guerre et assoiffé de sang.
Il avait décrit ces sentiments dans l’un de ses « cahiers » il aimait tuer et Regis Debray l’appelait «
l’Ange Exterminateur »
Dans une lettre â Sabato et un dialogue avec Neruda, il manifestait son amour pour la guerre ; il disait que « celui qui fait la guerre, ne peut plus vivre sans elle »
Cette exaltation pour l’odeur de la poudre, les armes, les uniformes et le sang déversé, prises de ses cahiers, le rapprochait de Drieu La Rochelle et Ernst Jünger, intellectuels fascistes.
Il parlait toujours de la mort, le révolutionnaire n’a d’autre but que la mort.
« N’importe où qu’elle me surprenne, bienvenue soit-elle. »
Cette permanente référence à la mort, marquait une étonnante ressemblance avec Heidegger , même s’il ne l’avait jamais lu, et
à « Viva la Muerte » des phalangistes.
Le talent militaire du Ché a été démenti par les faits, toutes ses entreprises ont échoué.
Dans le domaine de la conduction économique de Cuba , avec ses idées stalinistes, il avait entraîné la défaite du modèle populiste.
Guerrillero, archéologue, photographe, médecin, économiste, planificateur de l’industrie, ambassadeur extraordinaire, travailleur bénévole, poète, écrivain , la mégalomanie du Ché, n’avait pas de bornes.
Après l’échec de sa participation à Cuba, il est parti exporter la révolution en Afrique, au grand soulagement de Castro, qui voulait se débarrasser de lui.
Après un nouvel échec subi dans ce continent, il s’est engagé vers la Bolivie, une expérience, presque suicidaire, étant donné que Castro l’avait laissé livré ‘a son propre sort, et où il a trouvé cette mort prématurée,(à trente neuf ans,) qu’il attendait, chaque jour.
En 1965, avant de s’engager dans cette aventure bolivienne, du jour au lendemain, il avait décidé écrire ses «
cahiers philosophiques » commençant par Hegel, qu’il ne connaissait pas, mais dont l’un de ses livres a été trouvé dans son sac, d’après Ignacio Paco Taibo II.
L’invention du Mythe
Castro et le Ché avaient compris le pouvoir des médias. Les interviews dans les principaux journaux du monde, et les images plus que les textes écrits, avaient rendu célèbres les Robin Hood de Sierra Maestra.
Une photo vaut mieux qu’une longue description, et deux photos de Guevara ont fait le tour du monde. La première prise à Cuba, un béret noir avec l’étoile sur sa tête, ses longs cheveux, son visage beau et charismatique, un regard fixé sur le lointain a inspiré, toute une génération.
On portait cette image sur les vêtements, tatouée sur la peau, partout.
Sebreli avoue que lui-même avait cette photo dans sa bibliothèque.
L’autre photo, la dernière, celle-ci macabre, gisant sur un infâme grabat dans la jungle bolivienne, ajoutait un autre aspect au mythe : le saint et le martyr.
On a lavé son corps sale, on a coupé ses cheveux, on l’a embelli et le résultat de cette production, a fait de cette photo un mort d’une beauté tragique, qui éveillait la pitié et l’amour du monde.
Un Dieu, ce qu’il rêvait de devenir, et qui ressemblait au Christ mort.
Dans son sac à dos on a trouvé, écrit de sa main, un poème de Leon Felipe qui dit
- Citation :
- « Le Christ t’a aimé, tu m’as appris que l’homme est Dieu, un pauvre Dieu crucifié comme un homme. »