| Robert Desnos | |
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Seuguh pilier
Nombre de messages : 2575 Age : 46 Localisation : Bruxelles Date d'inscription : 17/05/2006
| Sujet: Robert Desnos Mar 30 Jan 2007, 14:48 | |
| La colombe et l'arche
Maudit
soit le père de l'épouse
du forgeron qui forgea le fer de la cognée
avec laquelle le bûcheron abattit le chêne
dans lequel on sculpta le lit
où fut engendré l'arrière-grand-père
de l'homme qui conduisit la voiture
dans laquelle ta mère
rencontra ton père !
Corps et Biens, 1923 | |
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rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Robert Desnos Mar 30 Jan 2007, 15:57 | |
| j'aime bien cette complainte héroique et pleine d'humour, la complainte de Fantomas. 1
Écoutez... Faites silence... La triste énumération De tous les forfaits sans nom, Des tortures, des violences Toujours impunis, hélas ! Du criminel Fantômas.
2
Lady Beltham, sa maîtresse, Le vit tuer son mari Car il les avait surpris Au milieu de leurs caresses. Il coula le paquebot Lancaster au fond des flots.
3
Cent personnes il assassine. Mais Juve aidé de Fandor Va lui faire subir son sort Enfin sur la guillotine... Mais un acteur, très bien grimé, À sa place est exécuté.
4
Un phare dans la tempête Croule, et les pauvres bateaux Font naufrage au fond de l’eau. Mais surgissent quatre têtes : Lady Beltham aux yeux d’or, Fantômas, Juve et Fandor.
la suite est ICI
FINAL Allongeant son ombre immense Sur le monde et sur Paris, Quel est ce spectre aux yeux gris Qui surgit dans le silence ? Fantômas, serait-ce toi Qui te dresses sur les toits ? | |
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clmemont pilier
Nombre de messages : 941 Date d'inscription : 20/06/2006
| Sujet: Re: Robert Desnos Mar 30 Jan 2007, 18:30 | |
| Tiens cela me rappelle des souvenirs, j'avais appris un extrait de la complainte en sixième ainsi que
La rue de Bagnolet Le soleil de la rue de Bagnolet N'est pas un soleil comme les autres Il se baigne dans le ruisseau, Il se coiffe avec un seau, Tout comme les autres, Mais, quand il caresse mes épaules C'est bien lui et pas un autre, Le soleil de la rue Bagnolet Qui conduit son cabriolet Ailleurs qu'aux portes des palais. Soleil tout drôle et tout content, Soleil de la rue de Bagnolet, Pas comme les autres.
J'avoue avoir préféré la complainte de Fantômas | |
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clmemont pilier
Nombre de messages : 941 Date d'inscription : 20/06/2006
| Sujet: Re: Robert Desnos Mar 30 Jan 2007, 18:31 | |
| Et maintenant je travaille plutôt
Ce coeur qui haïssait la guerre voilà qu'il bat pour le combat et la bataille ! Ce coeur qui ne battait qu'au rythme des marées, à celui des saisons, à celui des heures du jour et de la nuit, Voilà qu'il se gonfle et qu'il envoie dans les veines un sang brûlant de salpêtre et de haine. Et qu'il mène un tel bruit dans la cervelle que les oreilles en sifflent Et qu'il n'est pas possible que ce bruit ne se répande pas dans la ville et la campagne Comme le son d'une cloche appelant à l'émeute et au combat. Écoutez, je l'entends qui me revient renvoyé par les échos.
Mais non, c'est le bruit d'autres coeurs, de millions d'autres coeurs battant comme le mien à travers la France. Ils battent au même rythme pour la même besogne tous ces coeurs, Leur bruit est celui de la mer à l'assaut des falaises Et tout ce sang porte dans des millions de cervelles un même mot d'ordre : Révolte contre Hitler et mort à ses partisans ! Pourtant ce coeur haïssait la guerre et battait au rythme des saisons, Mais un seul mot : Liberté a suffi à réveiller les vieilles colères Et des millions de Francais se préparent dans l'ombre à la besogne que l'aube proche leur imposera. Car ces coeurs qui haïssaient la guerre battaient pour la liberté au rythme même des saisons et des marées, du jour et de la nuit.
Quelle diversité ! | |
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rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Robert Desnos Mar 30 Jan 2007, 18:38 | |
| Celui-ci, vu la destinée de Desnos me plaît particulièrement.
J'ai tant rêvé de toi
J'ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité. Est-il encore temps d'atteindre ce corps vivant et de baiser sur cette bouche la naissance de la voix qui m'est chère?
J'ai tant rêvé de toi que mes bras habitués en étreignant ton ombre à se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas au contour de ton corps, peut-être. Et que, devant l'apparence réelle de ce qui me hante et me gouverne depuis des jours et des années, je deviendrais une ombre sans doute. O balances sentimentales.
J'ai tant rêvé de toi qu'il n'est plus temps sans doute que je m'éveille. Je dors debout, le corps exposé à toutes les apparences de la vie et de l'amour et toi, la seule qui compte aujourd'hui pour moi, je pourrais moins toucher ton front et tes lèvres que les premières lèvres et le premier front venu.
J'ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé, couché avec ton fantôme qu'il ne me reste plus peut-être, et pourtant, qu'à être fantôme parmi les fantômes et plus ombre cent fois que l'ombre qui se promène et se promènera allégrement sur le cadran solaire de ta vie.
Robert Desnos - 1930 | |
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clmemont pilier
Nombre de messages : 941 Date d'inscription : 20/06/2006
| Sujet: Re: Robert Desnos Mar 30 Jan 2007, 21:42 | |
| Destinée qui a été assez bien chantée par Ferrat
Robert le Diable
Tu portais dans ta voix comme un chant de Nerval Quand tu parlais du sang jeune homme singulier Scandant la cruauté de tes vers réguliers Le rire des bouchers t'escortait dans les Halles Tu avais en ces jours ces accents de gageure Que j'entends retentir à travers les années Poète de vingt ans d'avance assassiné Et que vengeaient déjà le blasphème et l'injure
Je pense à toi Desnos qui partis de Compiègne Comme un soir en dormant tu nous en fis récit Accomplir jusqu'au bout ta propre prophétie Là-bas où le destin de notre siècle saigne
Debout sous un porche avec un cornet de frites Te voilà par mauvais temps près de Saint-Merry Dévisageant le monde avec effronterie De ton regard pareil à celui d'Amphitrite Enorme et palpitant d'une pâle buée Et le sol à ton pied comme au sein nu l'écume Se couvre de mégots de crachats de légumes Dans les pas de la pluie et des prostituées
Je pense à toi Desnos qui partis de Compiègne Comme un soir en dormant tu nous en fis récit Accomplir jusqu'au bout ta propre prophétie Là-bas où le destin de notre siècle saigne
Et c'est encore toi sans fin qui te promènes Berger des longs désirs et des songes brisés Sous les arbres obscurs dans les Champs-Elysées Jusqu'à l'épuisement de la nuit ton domaine O la Gare de l'Est et le premier croissant Le café noir qu'on prend près du percolateur Les journaux frais les boulevards pleins de senteur Les bouches du métro qui captent les passants
Je pense à toi Desnos qui partis de Compiègne Comme un soir en dormant tu nous en fis récit Accomplir jusqu'au bout ta propre prophétie Là-bas où le destin de notre siècle saigne
La ville un peu partout garde de ton passage Une ombre de couleur à ses frontons salis Et quand le jour se lève au Sacré-Cœur pâli Quand sur le Panthéon comme un équarissage Le crépuscule met ses lambeaux écorchés Quand le vent hurle aux loups dessous le Pont-au-Change Quand le soleil au Bois roule avec les oranges Quand la lune s'assied de clocher en clocher
Je pense à toi Desnos qui partis de Compiègne Comme un soir en dormant tu nous en fis récit Accomplir jusqu'au bout ta propre prophétie Là-bas où le destin de notre siècle saigne | |
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Provence pilier
Nombre de messages : 2166 Age : 63 Localisation : Au bord de la mer... Date d'inscription : 04/01/2006
| Sujet: Re: Robert Desnos Mer 31 Jan 2007, 07:05 | |
| Merci clmemont pour avoir mis ici les paroles de cette chanson qui me trotte dans la tête depuis qu'hier j'ai lu ce fil Desnos Je copie ici les vers que j'avais cités dans le fil jongleries et autres joyeusetés ( Jeux de mots) En 1923, Desnos écrit et publie L'Aumonyme dans lequel il joue sur les similitudes sonores et les décrochements de sens que produit l'homonymie. Notre paire quiète, ô yeux ! que votre "non" soit sang (t'y fier ?) que votre araignée rie que vol honteux soit fête (au fait) Sur la terre (commotion !) Donnez nous aux joues réduites notre pain quotidien. Part donnez-nous nos oeufs foncés Comme nous part donnons à ceux qui nous ont offensés. nounou laissez-nous succomber à la tentation et d'aile ivrez nous du mal. | |
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rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Robert Desnos Jeu 01 Fév 2007, 12:40 | |
| etonné de la disposition de j'ai tant reve de toi
ici | |
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Provence pilier
Nombre de messages : 2166 Age : 63 Localisation : Au bord de la mer... Date d'inscription : 04/01/2006
| Sujet: Re: Robert Desnos Jeu 01 Fév 2007, 12:47 | |
| Oui.... C'est pour adapter le texte à l'illustration, j'imagine | |
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clmemont pilier
Nombre de messages : 941 Date d'inscription : 20/06/2006
| Sujet: Re: Robert Desnos Jeu 01 Fév 2007, 14:15 | |
| Demain
« Agé de cent mille ans, j'aurais encor la force De t'attendre, ô demain pressenti par l'espoir. Le temps, vieillard souffrant de multiples entorses, Peut gémir: Le matin est neuf, neuf est le soir.
Mais depuis trop de mois nous vivons à la veille, Nous veillons, nous gardons la lumière et le feu, Nous parlons à voix basse et nous tendons l'oreille À maint bruit vite éteint et perdu comme au jeu.
Or, du fond de la nuit, nous témoignons encore De la splendeur du jour et de tous ses présents. Si nous ne dormons pas c'est pour guetter l'aurore Qui prouvera qu'enfin nous vivons au présent. »
1942 | |
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Utopie pilier
Nombre de messages : 11113 Date d'inscription : 12/06/2006
| Sujet: Re: Robert Desnos Jeu 01 Fév 2007, 14:41 | |
| - rotko a écrit:
- etonné de la disposition de j'ai tant reve de toi ici
Pourquoi tu es étonné ? et Provence aussi ? Parce qu'il n'est pas aligné à gauche ? c'est peut-être pour l'image. En fait je demande car le site est celui du Club des Poètes que je connais. Et un petit poème : La grenouille aux souliers percés La grenouille aux souliers percés A demandé la charité Les arbres lui ont donné Des feuilles mortes et tombées Les champignons lui ont donné Le duvet de leur grand chapeau L'écureuil lui a donné Quatre poils de son manteau L'herbe lui a donné Trois petites graines. Le ciel lui a donné Sa plus douce haleine Mais la grenouille demande toujours, Demande encore la charité Car ses souliers sont toujours, Sont toujours percés. Robert DESNOS | |
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rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Robert Desnos Mer 14 Fév 2007, 09:57 | |
| pour chasser la pluie, je mets quelques vers du Chant pour la belle saison cliquez, et vous trouverez la poème en entier.
J'aime et je chante le printemps fleuri. J'aime et je chante l'été avec ses fruits. J'aime et je chante la joie de vivre. J'aime et je chante le printemps. J'aime et je chante l'été, saison dans laquelle je suis né.
Robert DESNOS | |
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Yaelle habitué(e)
Nombre de messages : 14 Date d'inscription : 20/02/2007
| Sujet: Re: Robert Desnos Mer 21 Fév 2007, 10:45 | |
| CONTE DE FEE
Il était un grand nombre de fois Un homme qui aimait une femme Il était un grand nombre de fois Une femme qui aimait un homme Il était un grand nombre de fois Une femme et un homme Qui n'aimait pas celui-ci et celle qui les aimaient.
Il était une fois Une seule fois peut-être Une femme et un homme qui s'aimaient.
Robert DESNOS | |
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Yaelle habitué(e)
Nombre de messages : 14 Date d'inscription : 20/02/2007
| Sujet: Re: Robert Desnos Ven 23 Fév 2007, 22:09 | |
| Au mocassin le verbe
Tu me suicides, si docilement. Je te mourrai pourtant un jour. Je connaîtrons cette femme idéale et lentement je neigerai sur sa bouche. Et je pleuvrai sans doute même si je fais tard, même si je fais beau temps. Nous aimez si peu nos yeux et s'écroulerai cette larme sans raison bien entendu et sans tristesse. Sans.
Robert Desnos Extraits de Corps et biens | |
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Seuguh pilier
Nombre de messages : 2575 Age : 46 Localisation : Bruxelles Date d'inscription : 17/05/2006
| Sujet: Re: Robert Desnos Mer 07 Mar 2007, 17:38 | |
| ISABELLE ET MARIE
Isabelle rencontra Marie au bas de l'escalier : "Tu n'es qu'une chevelure ! lui dit-elle - et toi une main - main toi-même, omoplate ! - omoplate ? c'est trop fort, espèce de sein ! - Langue ! dent ! pubis ! - oeil ! - cils ! aisselle ! rein ! - gorge !... oreille ! - Oreille ? moi ? regarde-toi, narine ! - non mais, vieille gencive ! - doigt ! - con !" | |
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Utopie pilier
Nombre de messages : 11113 Date d'inscription : 12/06/2006
| Sujet: Re: Robert Desnos Dim 23 Déc 2007, 17:00 | |
| Chant pour la belle saison
Rien ne ressemble plus à l'inspiration Que l'ivresse d'une matinée de printemps Que le désir d'une femme. Ne plus être soi, être chacun. Poser ses pieds sur terre avec agilité. Savourer l'air qu'on respire.
Je chante ce soir non ce que nous devons combattre Mais ce que nous devons défendre.
Les plaisirs de la vie. Le vin qu'on boit avec des camarades. L'amour. Le feu en hiver. La rivière fraîche en été. La viande et le pain de chaque repas. Le refrain que l'on chante en marchant sur la route. Le lit où l'on dort. Le sommeil, sans réveils en sursaut, sans angoisse du lendemain.
Le loisir. La liberté de changer de ciel. Le sentiment de la dignité et beaucoup d'autres choses Dont on ose refuser la possession aux hommes.
J'aime et je chante le printemps fleuri J'aime et je chante l'été avec ses fruits. J'aime et je chante la joie de vivre. J'aime et je chante le printemps. J'aime et je chante l'été, saison dans laquelle je suis né.
Robert Desnos | |
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Utopie pilier
Nombre de messages : 11113 Date d'inscription : 12/06/2006
| Sujet: Re: Robert Desnos Mer 09 Jan 2008, 18:32 | |
| A la faveur de la nuit Se glisser dans ton ombre à la faveur de la nuit. Suivre tes pas, ton ombre à la fenêtre. Cette ombre à la fenêtre c'est toi, ce n'est pas une autre, c'est toi. N'ouvre pas cette fenêtre derrière les rideaux de laquelle tu bouges. Ferme les yeux. Je voudrais les fermer avec mes lèvres. Mais la fenêtre s'ouvre et le vent, le vent qui balance bizarrement la flamme et le drapeau entoure ma fuite de son manteau. La fenêtre s'ouvre: ce n'est pas toi. Je le savais bien. Robert Desnos Je le verrai bien lu en bouche ou en scène comme vous voulez, de toutes façons les poèmes gagnent à être dits | |
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la-petite-normande pilier
Nombre de messages : 530 Age : 46 Localisation : dois-je le préciser ? ;o) Date d'inscription : 24/01/2008
| Sujet: Re: Robert Desnos Mar 29 Avr 2008, 09:16 | |
| j'ai tant rêvé de toi, déjà évoqué par Rotko... avec photos et musique ici (oui, oui, j'occupe mes soirées comme je peux ) | |
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Tchipette Animation
Nombre de messages : 3927 Age : 61 Date d'inscription : 19/11/2007
| Sujet: Re: Robert Desnos Ven 05 Déc 2008, 22:56 | |
| J'ai commencé par quelque chose comme une comptine : - Citation :
Une fourmi de dix-huit mètres Avec un chapeau sur la tête, Ça n'existe pas, ça n'existe pas. Une fourmi traînant un char Plein de pingouins et de canards, Ça n'existe pas, ça n'existe pas. Une fourmi parlant français, Parlant latin et javanais, Ça n'existe pas, ça n'existe pas. Eh! pourquoi pas?
Et je n'en finis pas de Desnos. | |
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Tchipette Animation
Nombre de messages : 3927 Age : 61 Date d'inscription : 19/11/2007
| Sujet: Re: Robert Desnos Sam 06 Déc 2008, 11:45 | |
| Bouleversant (Desnos est mort du typhus au camp de Theresienstadt en Tchécoslovaquie )
LA VOIX
Une voix, une voix qui vient de si loin Qu'elle ne fait plus tinter les oreilles, Une voix, comme un tambour, voilée Parvient pourtant, distinctement, jusqu'à nous.
Bien qu'elle semble sortir d'un tombeau Elle ne parle que d'été et de printemps. Elle emplit le corps de joie, Elle allume aux lèvres le sourire.
Je l'écoute. Ce n'est qu'une voix humaine Qui traverse les fracas de la vie et des batailles, L'écroulement du tonnerre et le murmure des bavardages.
Et vous? Ne l'entendez-vous pas? Elle dit "La peine sera de courte durée" Elle dit "La belle saison est proche."
Ne l'entendez-vous pas?
CONTREE (1936-1940)
Et pour ceux qui veulent tout savoir : Les amis de Robert Desnos | |
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Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: Robert Desnos Mer 28 Oct 2009, 19:53 | |
| Poème à Youki
Et toi, Te souviens-tu de cette sirène de cire que tu m'as donnée? Tu te prévoyais déjà en elle et dans celle qui te ressemble. Tu ne meurs pas de la transfiguration de mon amour, mais tu en vis, elle te perpétue. Car c'est l'amour qui prévaut même sur toi, même sur elle. Et tu ne seras vraiment morte Que le jour où j'aurai oublié que j'ai aimé.
Cette sirène que tu m'as donnée, c'est elle. Sais-tu quelle chaîne effrayante de symboles m'a conduit de toi qui fut l'étoile à elle qui est la sirène? Ô soeurs parallèles du ciel et de l'Océan! Mais toi. Je t'ai rencontrée l'autre nuit, Une fameuse nuit d'orages, de larmes, de tendresse et de colère. Oui, je t'ai rencontrée, c'était bien toi. Mais quand je me suis approché et que je t'ai appelée et que je t'ai parlé, C'est une autre femme qui m'a répondu: "Comment savez-vous mon nom?"
(extrait de Siramour, 1931) | |
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rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Robert Desnos Jeu 29 Oct 2009, 06:00 | |
| Desnos, celui que Céline appelait "le philoyoutre", mourut du typhus le 8 juin 1945 au Camp de concentration de Theresienstadt en Tchécoslovaquie. | |
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Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: Robert Desnos Mar 03 Nov 2009, 13:45 | |
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De la rose de marbre à la rose de fer
La rose de marbre immense et blanche était seule sur la place déserte où les ombres se prolongeaient à l'infini. Et la rose de marbre seule sous le soleil et les étoiles était la reine de la Solitude. Et sans parfum la rose de marbre sur sa tige rigide au sommet du piédestal de granit ruisselait de tous les flots du ciel. La lune s'arrêtait pensive en son coeur glacial et les déesses des jardins les déesses de marbre à ses pétales venaient éprouver leurs seins froids.
La rose de verre résonnait à tous les bruits du littoral. Il n'était pas un sanglot de vague brisée qui ne la fît vibrer. Autour de sa tige fragile et de son coeur transparent des arcs en ciel tournaient avec les astres. La pluie glissait en boules délicates sur ses feuilles que parfois le vent faisait gémir à l'effroi des ruisseaux et des vers luisants.
Le rose de charbon était un phénix nègre que la poudre transformait en rose de feu. Mais sans cesse issue des corridors ténébreux de la mine où les mineurs la recueillaient avec respect pour la transporter au jour dans sa gangue d'anthracite la rose de charbon veillait aux portes du désert.
La rose de papier buvard saignait parfois au crépuscule quand le soir à son pied venait s'agenouiller. La rose de buvard gardienne de tous les secrets et mauvaise conseillère saignait un sang plus épais que l'écume de mer et qui n'était pas le sien.
La rose de nuages apparaissait sur les villes maudites à l'heure des éruptions de volcans à l'heure des incendies à l'heure des émeutes et au-dessus de Paris quand la commune y mêla les veines irisées du pétrole et l'odeur de la poudre. Elle fut belle au 21 janvier belle au mois d'octobre dans le vent froid des steppes belle en 1905 à l'heure des miracles à l'heure de l'amour.
La rose de bois présidait aux gibets. Elle fleurissait au plus haut de la guillotine puis dormait dans la mousse à l'ombre immense des champignons.
La rose de fer avait été battue durant des siècles par des forgerons d'éclairs. Chacune de ses feuilles était grande comme un ciel inconnu. Au moindre choc elle rendait le bruit du tonnerre. Mais qu'elle était douce aux amoureuses désespérées la rose de fer.
La rose de marbre la rose de verre la rose de charbon la rose de papier buvard la rose de nuages la rose de bois la rose de fer refleuriront toujours mais aujourd'hui elles sont effeuillées sur ton tapis.
Qui es-tu ? toi qui écrases sous tes pieds nus les débris fugitifs de La rose de marbre de la rose de verre de la rose de charbon de la rose de papier buvard de la rose de nuages de la rose de bois de la rose de fer.
(Les Ténèbres (XXIV), extraits de "Corps et biens", 1930)
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Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: Robert Desnos Ven 13 Nov 2009, 18:38 | |
| Un jour qu'il faisait nuit
Un jour qu'il faisait nuit Il s'envola au fond de la rivière. Les pierres en bois d'ébène les fils de fer en or et la croix sans branche. Tout rien. Je la hais d'amour comme tout chacun. Le mort respirait des grandes bouffées de vide. Le compas traçait des carrés et des triangles à cinq côtés. Après cela il descendit au grenier. Les étoiles de midi resplendissaient. Le chasseur revenait carnassière pleine de poissons sur la rive au milieu de la Seine. Un ver de terre marque le centre du cercle sur la circonférence. En silence mes yeux prononcèrent un bruyant discours. Alors nous avancions dans une allée déserte où se pressait la foule. Quand la marche nous eut bien reposé nous eûmes le courage de nous asseoir puis au réveil nos yeux se fermèrent et l'aube versa sur nous les réservoirs de la nuit.
La pluie nous sécha.
(Extrait de Corps et biens, in Langage cuit) | |
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Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: Robert Desnos Lun 16 Nov 2009, 23:03 | |
| Demain
Âgé de cent-mille ans, j'aurais encore la force De t'attendre, ô demain pressenti par l'espoir. Le temps, vieillard souffrant de multiples entorses, Peut gémir : neuf est le matin, neuf est le soir.
Mais depuis trop de mois nous vivons à la veille, Nous veillons, nous gardons la lumière et le feu, Nous parlons à voix basse et nous tendons l'oreille A maint bruit vite éteint et perdu comme au jeu.
Or, du fond de la nuit, nous témoignons encore De la splendeur du jour et de tous ses présents. Si nous ne dormons pas c'est pour guetter l'aurore Qui prouvera qu'enfin nous vivons au présent.
(État de veille) | |
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| Sujet: Re: Robert Desnos | |
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| Robert Desnos | |
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