.J. Rabearivelo est un grand poète malgache qui écrit à la fois en français et en malgache.
Dernier poème, inédit, repris dans Imerina, Éric Nonn (Paris, Editions Verticales,1998, 132 p.)
Dernier poème , 6 IV 37, Le buste
Les yeux ouverts mais sans regards
La bouche ne mâchant que l'ombre
et les oreilles que le vent
il écoute sans rien entendre
il écoute l'éternité
comme le soir crucifié
en plein soleil dans nos banlieues
quelque vieillard aveugle et sourd
Il écoute l'éternité
cherchant à voir dans ses ténèbres
à distinguer dans son silence
le moindre signe encore de vie
le moindre signe de survie
Seuls les pieds nus les ailes chaudes
d'un oiseau las de sa journée
lui proposent leur amitié
Les hommes eux s'en vont sans dire
pensant à leur propre passé
les femmes elles soucieuses
de l'avenir proche la nuit
Le feuillage lui-même qui
serait fait pour cacher la honte
de tant d'ingratitude humaine
cédant au vent divulgue tout
Pauvres de vous pauvres de vous
pauvres de vous ô chers grands hommes
demain un jour le peu de glaise
le peu de pierre ou bien de bronze
où l'on aura figé vos fronts
jouera la même comédie
perpétuant votre mémoire
dans le néant l'oubli la vie
Double néant Qui donc chantait
survivant aux cités le buste
Mais jusqu'à cet oiseau perdu
se lamentant au sein des nuits
bréhaignes que je viens de suivre
laissera-t-il le jour éclos
sur ses épaules un peu plus que
le message du pur silence
J. Rabearivelo
Dernier poème, inédit, repris dans Imerina, Éric Nonn (Paris, Editions Verticales,1998, 132 p.)