La leçon d’allemand
Il m’a fallu 3 semaines pour finir ce livre de quelques 500 pages. Non pas parce qu’il est mauvais, mais le contraire !
Une œuvre exceptionnelle et abordant une période historique dramatique (l’Allemagne sous les nazis), avec un autre angle de vue, non sanguinaire, non «corporel » pourrait-on dire, mais spirituel.
Tuer le corps ou l’esprit.
Lequel est pire ?
Le héros, Siggi, est un enfant délinquant juvénile, enfermé en maison de correction pour une kleptomanie particulière. Il dérobe les peintures qu’il estime « en danger » de destruction.
C’est lors d’une punition sur le thème « les joies du devoir » que nous remontons le fil de son histoire et atteignons la source de tous ses maux.
Pour illustrer le sujet de la rédaction, il relate l’attitude de son père, agent de police sous le régime nazi. Régime qui ordonna l’interdiction aux peintres Juifs (donc auteurs d’un art « dégénéré ») de peindre.
Or, cet agent est ami d’enfance du peintre expressionniste Nansen et se voit dans l’obligation de lui intimer les consignes drastiques du « pouvoir ».
Sauf que…
Sauf que Nansen a sauvé l’agent de la noyade lorsqu’ils étaient enfants, sauf que Nansen, en véritable artiste, est épris de liberté et traite ces injonctions ridicules avec désinvolture (il continue à peindre…en cachette !), sauf que l’agent de police prend sa mission à coeur, en fait un devoir zélé, et finit par harceler le peintre en brûlant ses toiles.
Siggi, ami du peintre, est déchiré et traumatisé par l’entêtement d’un père qu’il ne comprend pas, qu’il ne suit pas dans sa folie à servir le pouvoir, au mépris de tout sentiment personnel, au mépris d’un passé d’affection et de respect.
Témoin des autodafés d’œuvres, il finit par avoir des hallucinations visuelles et voit des feux consumer les toiles des musées, toiles qu’il doit sauver, croit-il, de la folie de son père.
En filigrane, les grandes questions sont posées : où commence et s’arrête le devoir en temps de guerre, que devient la conscience individuelle, l’être humain peut-il perdre tout repère intime pour se fondre dans l’impersonnalité d’un pouvoir destructeur (on sait que la réponse est oui…), le rapport entre le devoir et le plaisir d’asservir autrui, etc…
Cet ouvrage hors du commun devrait être étudié à l’école, au même titre que le journal d’A. Frank. Certes, le niveau linguistique n’est peut-être pas très accessible mais la question de l’oppression des consciences, de l’abdication du libre arbitre, de la liberté d’expression(Emil Nolde* a servi de modèle au personnage de Nansen), de l’aveuglement des fonctionnaires, etc...mérite une large diffusion de cet ouvrage.
http://www.amazon.fr/Le%C3%A7on-dallemand-Siegfried-Lenz/dp/2264031948/ref=sr_1_3?ie=UTF8&s=books&qid=1255968608&sr=1-3
*Il fut effectivement frappé de l’interdiction de peindre.
Lecture indispensable.