Anna Enquist [Pays-bas]

Anna Enquist, Le secret, Actes Sud.
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L'autiste du piano.
Deux étapes pour l'incipit : la livraison d'un piano à queue, la naissance de Dora Dirique. Troisième étape : un docteur lit dans les informations musicales la parution de l'intégrale des interprétations de Dora Dirique, son ex-épouse. On va donc remonter le temps, à petits sauts de mouton, mais le jeu est grave, et assister à la vie d'une femme marquée par son enfance, et chez qui la seule valeur fut le jeu pianistique.

Au départ, on se méprend sur le secret, car dans sa famille comme dans ses pensées, Dora reste silencieuse. Pourtant, que d'étonnements en elle-même ! Seules ses interprétations expriment ce qu'elle ressent, car elle communique peu avec autrui. Artiste, presqu'autiste.

La romancière neérlandaise Anna Enquist - psychanalyste, nous plonge dans un univers familial réfrigérant, à une période critique, où la musique constitue pour la jeune fille un espace de liberté - ou d'enfermement, mais aussi d'interrogations avec et sur elle-même.

D'un ton très sobre sont évoqués les rapports entre les musiciens, la place chez l'interprète de la sensibilité et de la technique, la clarté ou prétendue telle des choix d'interprétations. Au milieu du livre, un concerto de Mozart inoubliable. Aucun lyrisme facile, mais un style dépouillé, presque froid, pour suivre l'itinéraire musical et affectif de Dora.

Je n'ai pas lu Le Secret (il s'agirait de son meilleur opus !?) mais ce que tu en dis

rotko a écrit:

un univers familial réfrigérant, un ton très sobre, un style dépouillé, presque froid,

(j'ai un peu découpé là, m'en veux surtout pas !)
est aussi ce que je retiens de ma lecture de Les Porteurs de glace (là , déjà le titre est glacial), et avec la sobriété du ton, une sensibilité écorchée et une sensible profondeur.

Un article du "Monde des livres" du vendredi 6 janvier 2006 sur "Enquist, chimiste de l'amour" m'amène à preciser qu'il y a d'un côté Anna Enquist, écrivain néerlandais, et de l'autre, Per Olov Enquist, Ecrivain suédois, publié chez Actes Sud. Le livre de ce dernier, "Blanche et Marie", traite de la vie de Blanche Wittmann, assistante de Marie Curie -dont elle était amoureuse, et patiente du neurologue de la Salpetriere, Martin Charcot, qui brûlait d'amour pour elle.

Selon l'article, Per Olov Enquist tente d'analyser les mystères de l'amour, avec la même passion que ses personnages scientifiques tentaient de percer les mystères du radium ou du psychisme humain.

Autres oeuvres de Per Olov Enquist : "le cinquième hiver du magnetiseur" (Actes sud Babel), l'Extradition des Baltes "Hess", "Hamsun", et "le Medecin personnel du roi" (tous chez Actes Sud).

Anna Enquist, Contrepoint , chez Actes sud.

Au piano, une femme travaille, étudie, décrypte les Variations Goldberg, tente de comparer les différentes éditions de la partition, de s'approcher au plus près de la composition de l'oeuvre de Bach, de comprendre ce qui la porte au sublime. Ainsi éclairé par la musique et en écho aux variations se déploie peu à peu en elle un paysage auquel elle n'avait ou ne pouvait plus avoir accès : les moments de joie, le quotidien, les simples détails comme les plus beaux souvenirs d'un passé

Citation :

La narratrice évoque des souvenirs en égrenant les Variations Goldberg. Beau et douloureux.

Anna Enquist construit ce roman poignant (une autobiographie) comme une partition, inscrit même les notes au début de chaque chapitre. Au fil du temps et de la progression musicale, la conscience de l'héroïne devient plus claire : "Ce qui devant le piano à queue paraissait avoir de l'éclat retombait devant le bureau comme une communication sourde, triviale", écrit-elle. Seules ses mains sur le piano lui permettent de sentir la présence de son enfant, d'aller jusqu'au bout de son deuil, de l'accepter. Jouer pour éviter l'oubli, retrouver l'émotion, elle croit tout cela possible, elle l'espère, elle le veut, jusqu'à la note ultime qu'elle repousse à l'infini.

l'article de l'Express