Russel Banks

Tout le monde connaît « De beaux lendemains » et « Affliction » qui ont fait l’objet de bonnes adaptations cinématographiques mais son livre qui m’a le plus marqué reste « Le pourfendeur de nuages ».

Cet immense roman ne se contente pas de traiter de la question des races, du racisme et de l'idéalisme fanatique mais nous plonge dans la période, particulièrement agitée, de pré guerre de sécession.
En le lisant, nous devenons ruraux, au sein d’une nature sauvage et d’une société en pleine mutation.
Un combat sans merci s’engage, à l’initiative de John Brown fanatique religieux, contre l’esclavage. Sa méthode : tuer les esclavagistes. Avec sa milice et traînant sa famille il luttera sans faiblir et sans pitié jusqu’à sa fin !
A des années lumière du mythe de la lutte pour l'abolition de l'esclavage, nous voyons une « petite » guerre et ses conséquences : mort et injustice, sueur, sang, larmes.
Et nous côtoyons des personnages complexes nageant au sein de cette tempête…

Là se situe le grand écrivain : quand il disparaît derrière ses personnages ; lorsque John Brown parle, nous entendons le ton et la langue d'un puritain du début du XIXème siècle.
Là se situe la grande œuvre : quand nous la relisons, nous découvrons de nouvelles richesses…

Comme j'ai l'air d'etre le seul à ne pas connaître ces films « De beaux lendemains » et « Affliction », je me renseigne sous pretexte de vous fournir des aide-mémoires

« De beaux lendemains »

film d'Atom Egoyan, réalisateur canadien, d'origine egyptienne et arménienne.
deux acteurs exceptionnels : Ian Holm qui jouerait comme le rôle du joueur de flûte de Hamelin et Sarah Polley en enfant qui a survecu au drame d'un accident de bus.

« Affliction »
genre policier film de paul Shrader avec Nick Nolte et James Coburn. Enquête sur la mort suspecte d'un leader syndical

ton pourfendeur de nuages m'interesse, Sousmarin...

:!: C'est drôle ,je viens juste d'emprunter "De beaux lendemains " à une amie car le film m'avait marquée .Russell Banks est donc un des auteurs que je vais découvrir ce mois-ci

Rotko ,il faut absolument que tu rattrapes ton retard par rapport à ce cinéaste dont le premier film "Exotica " ,en 94 , m'avait fortement impressionnée !
(Je vous en parlerai peut-être dans la rubrique DVD )

"De Beaux lendemains " -Editions Actes Sud-

Je ne vais pas vous détailler l'histoire ,sans doute certains la connaissent déjà : Le drame de ce bus rempli d'enfants qui avait échoué dans une sablière gelée ,près de Lake Placid ,dans l'état de New.York ,et dont seul de rares survivants avaient pu en réchapper ...

L'auteur ,qui a grandi dans un milieu modeste et a eu une enfance marquée par l'alcool et la violence , le divorce de ses parents et la pauvreté ,connait bien ces atmosphères lourdes ,ces villages oubliés ,ensevelis sous la neige où les mobiles homes remplacent les chalets cossus .Où la vie est rude mais les liens communautaires étroits...

Il nous présente chacun de ses personnages à tour de rôle ,tous y apportant leur vision ,leur vécu ,leurs émotions.
La conductrice ,Dolorès Driscoll ,recapée mais rongée par les remords .
Un père de famille ,Billy ,dont les deux enfants ont péri dans l'accident ,éperdu de chagrin et déjà marqué par la perte de sa femme.
Une jeune fille Nicole Burnell ,promise à un bel avenir ,et restée paralysée ,qui cache elle aussi d'autres souffrances .
Et un avocat passionné ,Stephens ,qui tente de trouver des responsables ...

On s'identifie à ces quatre voix avec une incroyable aisance ,car Russell Banks détient c'est vrai ,un réel talent pour endosser tour à tour leurs rôles et cette faculté lui permet de rester lucide ,tout en faisant preuve d'un grand humanisme .

J'ai vraiment apprécié cette sobriété de ton dans la description de la souffrance ,qui ne la rend que plus intense et fait de son roman une oeuvre poignante et très sincère .
Réellement un très beau livre ...

J'ai lu Affliction et je me suis ennuyé.
Rien de surprenant, que ce soit la trame, le déroulement des évènements, ou la langue.
Je fus très déçu en somme.
J'aimerais pouvoir mieux en parler mais je n'en ai qu'un souvenir flou alors que je ne l'ai pourtant lu que le printemps dernier.
Je me rappelle juste l'avoir refermé en colère, non pas à cause d'une attaque faite par le livre mais du fait de l'absence totale d'attaque, de cette densité prévisible, cette lourdeur du style et du récit où des motifs aussi riches que la neige, l'alcool ou la rage de dents (la mémoire me revient un peu ! ) sont comme vidés de toute puissance ; une colère découlant directement de l'impression d'avoir perdu mon temps, donc.

Oui, « affliction » n’est qu’une vision brute d’un environnement, une chronique rurale, alors si l’on s’attend à un polar, on est déçu…pas de suspense vraiment dans le livre, ni de surprise !
Russell nous dresse un triste constat et nous pousse à la réflexion, non à la réaction…

Ceci étant dit « affliction » est, parmi ses ouvrages traduits, selon mon avis et sans juger ceux qui le préfèrent (précautions ), le moins bon.

La réserve

Présentation de l’éditeur :

Quand en juillet 1936 le peintre Jordan Groves rencontre pour la première fois Vanessa Cole, lors d’une soirée donnée par le célèbre neurochirurgien newyorkais dont elle est la fille adoptive, dans son luxueux chalet construit dans “la Réserve”, en bordure d’un lac des Adirondacks, il ignore qu’il vient de franchir, sans espoir de retour, la ligne qui sépare les séductions de la comédie sociale et les ténèbres d’une histoire familiale pleine de bruit et de fureur. Très loin de là, en Europe, l’Histoire est en train de prendre un tour qui va bientôt mettre en péril l’équilibre du monde. Déjà, certains intellectuels et des écrivains, tels Ernest Hemingway ou John Dos Passos, un ami de Jordan Groves, ont rejoint l’Espagne de la guerre civile afin de combattre aux côtés des républicains. Si attaché qu’il soit à sa femme et à ses deux jeunes garçons, ou aux impératifs d’une carrière artistique déjà brillamment entamée, Jordan ne peut longtemps se soustraire à l’irrésistible attraction qu’exerce sur lui la sulfureuse Vanessa Cole, personnalité troublante et troublée, prétendument victime, dans son enfance, d’agissements pervers de la part de ses insoupçonnables parents… Au sein du cadre majestueux et sauvage d’une nature préservée pour le seul bénéfice de quelques notables de la société new-yorkaise, les feux d’artifice célébrant la fête de l’Indépendance ont éclaté dans le même ciel que traverse, de l’Allemagne à l’Amérique, le zeppelin Hindenburg bardé de croix gammées et d’où s’abattront aussi les bombes qui vont détruire Guernica…

Un roman classique, sans surprise
Les personnages, même si leur psychologie est approchée avec finesse, restent caricaturaux…
Pour un peu je me serais crue en train de lire un Agatha Christie, l’humour en moins et sans de dénouement puisque le déroulement de cette comédie convenue qui se veut tragique ( il y a des passages qui font pleurer de … consternation !) est entrecoupé par de courts chapitres en italique qui plongent le lecteur dans le futur de la confrontation Vanessa – Jordan….

Heureusement Russel Banks sait écrire et mener son lecteur !
J’ai lu le livre en me demandant jusqu’où pourrait aller autant de conformisme et avec l’impression de lire un roman écrit il y a des lustres.

Grosse déception donc...
Il semblerait que j'ai tiré le mauvais numéro car l'auteur est réputé pour avoir "du souffle"

D'accord avec Mona en ce qui concerne La réserve. Je n'ai pas fini ce livre, je l'ai laissé tomber assez rapidement.

Il y a deux romans de lui que je trouve excellents: Continents à la dérive et son avant dernier American Darling

American Darling, c'est l'histoire d'une enfant chérie américaine qui vire dans le terrorisme, se sauve, épouse un homme d'état Liberien, subit les horreurs de la guerre au Liberia, et puis et puis...

Un vrai roman comme les français n'en font plus (c'est bien vrai ma pauv'dame) avec un magnifique personnage de femme vieillissante, une vision pessimiste de l'Afrique, une écriture riche qui colle à l'intrigue avec beaucoup de souffle.

Russel Banks, Histoire de réussir, Actes sud
Traduction Pierre Furlan et Pascale Musette



A lire ces nouvelles, on se dit qu’il y a un ton Russel Banks qui prend le lecteur à contre-pied : fiction ou vécu ?

« Reine d’un jour » apparaît comme un récit fictif alors que le texte suivant, « Les mémoires de ma mère, le mensonge de mon père et autres histoires véridiques », reprend des thèmes similaires.

la 3 e nouvelle « Histoire de réussir » ,semble se terminer sur une confidence autobiographique :

Spoiler:

Russel Banks, Histoire de réussir, Actes Sud.


les contre-pieds de Russel Banks : rire ou pleurer.

Dans « Reine d’un jour » raconter l’histoire ferait croire à un mélodrame ou à un récit d’humour où un fils de la famille, par des moyens naïfs, veut consoler sa mère abandonnée et lui trouver un nouveau compagnon ; or le récit émeut et touche le lecteur ;

Même surprise avec « Histoire de réussir », où un artiste ingénu déclenche à son insu des catastrophes, mais ne connaît pas un échec total.

Quant à « L’histoire du poisson », mi-humoristique mi-tragique, elle montre à la fois l’entêtement et la bêtise d’un gradé militaire dont les initiatives sont sans cesse contrecarrées.

On rit de ses echecs, mais la fin inattendue est bien triste.

Russel Banks est né le 28/3/40 dans une famille modeste et alcoolique, il vécut son enfance dans le New Hampshire. Après ses études, il vécut de petits boulots avant de partir à la Jamaïque en 75. Il est actuellement professeur de littérature à Princeton, et depuis 98 membre de l’Académie Américaine des Arts et des Lettres.
Dans ses ouvrages, qui sont pour certains un peu autobiographiques, il décrit le monde des petites gens, la pauvreté, la tragédie de leur quotidien. On relève aussi le thème de la recherche d’une figure paternel. Mais engagé politiquement, il traite aussi de sujets dérangeants et non à la une, fustige le système économique. Ses écrits sont denses et souvent sombres.
Russel Banks est président du Parlement national des Ecrivains créé par Salman Rushdie.

Deux de ses romans ont été adaptés au cinéma
-De beaux lendemains par Atom Egoyan, grand prix à cannes en 97
-Affliction par Paul Schrader en 97.
Il a lui-même adapté Sur la route de Kérouac pour Coppola.

La photo a été prise à...Lyon.
Et je partage l'avis de Rotko sur ce beau livre de nouvelles.
Un auteur contreversé car politiquement incorrect mais combien réaliste et véridique!!

Sans contexte l'un de mes écrivains américains favoris (avec Paul Auster et Jim Harrison).

Mais, cher Maître Rotko qui a ouvert le fil ou Nestor grand administrateur à la lance pointue, il existe un deuxième fil Russel Banks, ici !

En tant que lecteur, il ne m'a rarement déçu (ou si peu). Et je crois que comme pour Paul Auster, lorsque "la critique" décide que son dernier est moins bon que le précédent qui lui même était moins bon que le précédent..., j'aurai toujours envie de le découvrir...

Je vois que d'autres critiques ont été ajoutées en début de ce lien depuis mon dernier passage...
Je confirme mon opinion positive pour cet écrivain et, comme pour Mouton Sauvage, il ne m'a jamais véritablement déçue. Je n'ai pas encore lu La réserve, qui semble susciter quelques réticences...? Mais je le lirai et espère y trouver de quoi jouer les redresseur de tort...
:hum:

Le mouton sauvage a écrit:

Sans contexte l'un de mes écrivains américains favoris

Mouton'S nous a fait un croisement de "sans conteste" et "sans complexe"

J'ai lu tous les Banks mise à part La Réserve, et pour moi cet écrivain devrait être enseigné au lycée. Affliction ne perd rien à être lu une fois par an, comme regarder Taxi Driver de temps en temps.... Le Pourfendeur est un chef-d'oeuvre, avec notamment une merveilleuse analyse du héros historique John-Osawatomie-Brown de la défaite de Napoléon à Waterloo....
Je conseille de lire Sous le règne de Bone, pour ceux et celles qui aiment les romans initiatiques, Banks nous entraîne de l'Amérique du Nord à Montego Bay en Jamaique, pays que banks connaît bien puisqu'il a aussi écrit Le Livre de la Jamaique, où il se fait ethnologue... Je rêve d'assister à un de ses cours; dire qu'en Nouvelle-Angleterre il y a John Irving, Stephen King et Banks qui enseignent en fac... !

Nymphéa, heureuse de te retrouver ici, décidément c'est un plaisir ce forum...

Coucou merci, oui c'est un régal ce forum...

Petite interprétation par Banks de la personnalité de l'abolitionniste John Brown, dans le Pourfendeur de Nuages :
"Empilant rêves sur rêves, il édifiait une immense tour d'espoirs, trop fragile pour résister au premier vent contraire et trop rigide pour se plier à la réalité du monde."
Cet homme, John Brown, s'est battu toute sa vie pour la fin de l'esclavage, et ce roman prend une certaine dimension depuis l'élection d' Obama.

Noel

incipit :

Citation :

Apprécié de tous à l'université d'État où il enseignait les sciences politiques, il entrait dans l'âge mûr en fuyant le naufrage de deux mariages ratés.

Voilà donc notre personnage qui rentre chez sa 3é épouse avec la voiture chargée de cadeaux pour les 3 enfants de cette dernière. L'enjeu est bien entendu de réussir cette fête de famille.

En huit pages, Russel Banks va donner une réponse à la question, l'effet sera d'autant plus grand que la cause aura été minime et accidentelle.

Un bel exemple de nouvelle concise où tout est calculé pour entretenir l'intérêt - et rester dans le vraisemblable.

S'il faut cent pages à Stephen King pour préparer l'action, on dira que Russel Banks est plus rapide – et plus sobre.

In L'ange sur le toît chez Actes Sud.

L'Ange sur le Toit... Parfaite continuité de son oeuvre .... Après Affliction et TrailerPark.

Hé! Un topic sur Russel Banks
C'est l'occasion pour un modeste écriv…eur tel que moi de dire mon plaisir à le lire. Ses qualités narratives au plus haut rang desquelles je place la simplicité, cette faculté à nous fourrer la tête dans ses humanités d'en bas, son universalité de "proximité", tout cela me laisse baba. J'ai l'impression de retrouver en lui un Steinbeck moderne.
Loin d'être un exégète de l'œuvre de l'homme des Adirondack je place "Trailerpark" et "De beaux lendemains" parmi les bouquins à lire. Les inventions, les procédés narratifs bluffants et sans la moindre frime m'ont fait passé de sacrés moments. Et puis ce que j'apprécie au plus haut point c'est l'absence de nombrilisme dans ces livres (du moins ceux que j'ai lus). Par les temps littéraires qui courent je prends ça comme une sacrée qualité.
Comme le soulignait Sousmarin le "Pourfendeur de nuages" tient une place à part par la puissance évocatrice du récit, la force brute des destins qu'il met en exergue et celle de l'histoire avec un Grand H avec le sentiment d'y avoir été mêlé. Ce grand roman a laissé une empreinte profonde dans ma mémoire de lecteur.
Bon tout n'est peut-être pas du même tonneau chez Banks (j'ai lâché ses "Survivants" en cours de route) mais selon moi ça vaut plus que le détour.
Je ne connais pas "l'ange sur le toit" mais si c'est dans la continuité de Trailerpark...

Ps: Si quelqu'un ici le connait personnellement ou a son adresse, je suis preneur.

Tu sais un jour j'ai eu la naiveté de lui écrire pour lui dire mon adoration pour le Pourfendeur (j'étais aulycée je suis plus mesurée maintenant) et j'ai cru possible d'avoir son adresse par le biais des éditions Actes Sud.. Il m'ont répondu une jolie lettre me proposant de leur transmettre ma lettre qu 'ils ferait suivre à l'éditeur américain de Banks. Je n'ai jamais envoyé la lettre...

jude a écrit:

Tu sais un jour j'ai eu la naiveté de lui écrire pour lui dire mon adoration pour le Pourfendeur (j'étais aulycée je suis plus mesurée maintenant) et j'ai cru possible d'avoir son adresse par le biais des éditions Actes Sud.. Il m'ont répondu une jolie lettre me proposant de leur transmettre ma lettre qu 'ils feraient suivre à l'éditeur américain de Banks. Je n'ai jamais envoyé la lettre...

Normalement, les maisons d'éditions font (bien) suivre les courriers. Je ne suis pas du genre à demander des autographes ni à aduler en général, mais un petit courrier c'est aussi l'occasion d'un échange en toute simplicité... avec une possibilité de réponse qui peut être interessante et c'est aussi l'opportunité de s'exprimer (en anglais qui plus est!).
Il est toujours temps de passer à l'acte

ps: Irving enseigne encore... c'est la révélation du monde selon garp qui m'a donné envie d'écrire. (il y a si longtemps... maintenant c'est au tour de mes filles de le découvrir!)

Les plaines d'Abraham

Rien n'est simple dans les familles américaines de Russel Banks : trois mariages, et des déplacements pour différents métiers, des déménagements, et cette pensée qui vient un matin que la deuxième épouse était la bonne, celle que Vann n'aurait pas dû quitter.

Elle se fait opérer justement, ce matin-là, pendant que Vann, ancien mari, et actuel plombier, doit résoudre de délicats problèmes de tuyauteries…

La nouvelle est construite sur un montage alterné qui fait voir jusque dans les moindres détails les protagonistes dans leur quotidien. A chacun ses problèmes… "de tuyauteries", serait-on tenté de dire.

On se doute bien que les deux trajectoires se rencontreront, mais pour quelle issue ?

Le destin n'agit pas toujours en ligne droite, il épouse les méandres de la vie, crée les rencontres ou les séparations, plus ou moins définitives.

In L'ange sur le toit chez Actes Sud.