Lionel Shriver

Il faut qu'on parle de Kévin de Lionel Shriver


Eva écrit à son mari, dont elle est séparée, à la suite d’un incident pénible qui lui rappelle que pour tous, elle est la mère de Kévin Katchadourian et que rien ne peut l’absoudre : Kévin a assassiné, la veille de ses 16 ans, 9 personnes dont 7 camarades de classe à la Gladston High School qu’il fréquentait.
De lettre en lettre, Eva remémore à son mari comment ils se sont rencontrés, comment est né son désir de maternité, comment s’est déroulé l’accouchement, comment Kévin a d’emblée rejeté le sein de sa mère, sa déception d’alors, ses efforts pour s’adapter à ce nourrisson puis enfant difficile jusqu’à sacrifier sa vie professionnelle….Eva retrace, sans complaisance, leur vie de famille et surtout leurs réactions de père et de mère, très différentes, face aux malveillances de leur fils.
Souvenirs entrecoupés du récit de son procès à elle (l’une des mères des victimes l’a poursuivie devant les tribunaux « il faut bien que quelqu’un soit responsable ») et des visites à son fils en prison

Sur la forme :

C’est un livre à une voix : sans réponse aux lettres, sans autre intervenant, tout n’est raconté qu’à travers Eva, le moteur du suspens….suspens qui m’a conduit à terminer ce livre, tout en sautant des pages,

car un peu d’humanité, d’amour ne pouvait qu’apparaître…. Oui, à la dernière page....

L'écriture est maîtrisée, les retours en arrière réussis...

Rien a redire sur la forme au contraire elle est séduisante

Sur le fond : ce livre n’est qu’outrances et caricatures et a vite perdu, pour moi, de son intérêt....

impossible d’éprouver la moindre émotion…

Le plus dérangeant : quels sont les motivations de l’auteur ?
Pourquoi en rajouter autant ?
Pourquoi se référer à un fait divers (plusieurs fois le massacre réel de Columbine est cité) et mettre en scène un psychopathe congénital qui manipule sa mère jusqu’à la rendre impuissante? Faire peur au lecteur ? Pourquoi faire de Kévin le descendant du génocide arménien par sa mère qui y a perdu toute sa famille ?
Pourquoi faire de sa mère une self-made-woman, sûre d'elle-même, qui assume ses choix jusqu’à la bétise ?

Trop de pistes mal explorées, trop d’incohérences pour susciter une réflexion…..comme si l’auteur avait voulu noyer la réalité (le fait divers) dans une complexité imaginaire,
un écheveau tellement complexe qu'il perd toute crédibilité

Bref, pour moi, une vaste supercherie, à la limite de l'insulte pour les victimes des massacres qui ont vraiment eu lieu

IL FAUT QU'ON PARLE DE KEVIN de Lionel Shriver chez Belfond, est d'actualité. Il fait penser à la tuerie de Columbine qui a inspiré notamment Bowling for Columbine de Michael Moore et Elephant de Gus Van Sant.
Pourtant selon Lionel Shriver, il a été écrit avant le drame de Columbine

lire l'entretien de l'auteur

Citation :

L'Amérique est confrontée à un grave problème: le contrôle des armes à feu. Comment un adolescent de 15, 16 ou 17 ans peut-il se procurer aussi facilement un fusil semi-automatique? Il est temps que le gouvernement américain impose un contrôle plus strict sur la vente d'armes. Certains États américains ont dans ce domaine une législation plus stricte

C'est le 7é roman de Lionel Schriver et le premier traduit en français.

Her previous novels are Double Fault, A Perfectly Good Family, Game Control, The Bleeding Heart, Checker and the Derailleurs and The Female of the Species.

rotko a écrit:

il a été écrit avant le drame de Columbine

Citation :

L'Amérique est confrontée à un grave problème: le contrôle des armes à feu. Comment un adolescent de 15, 16 ou 17 ans peut-il se procurer aussi facilement un fusil semi-automatique? Il est temps que le gouvernement américain impose un contrôle plus strict sur la vente d'armes. Certains États américains ont dans ce domaine une législation plus stricte

Lionel Shriver fait pourtant référence à Columbine et plusieurs fois (je n'ai plus le livre en main pour citer les passages)
La tuerie orchestrée par Kévin n'utilise pas d'armes à feu.....je n'en dirai pas plus pour ne pas déflorer le récit....
Encore un débat esquivé par l'auteur.... débat politiquement incorrect ?

A te lire, ainsi que l'entretien de l'auteur, on se demande si l'idée d'un malfrat congenital n'est pas brandie.

Citation :

C'est l'histoire pathétique d'une mère égoïste confrontée à la monstruosité de son fils

dit Lionel Schiver.

Sans doute ajoute-t-elle qu'il y a des variantes :

Citation :

Chaque jeune a sa propre histoire et ses propres motivations pour commettre un crime aussi abject. Par contre, je me suis rendu compte en consultant plusieurs rapports psychiatriques dépeignant le caractère de ces jeunes criminels, que la majorité d'entre eux sont des être instables, marginaux et solitaires, qui expriment leur frustration en commettant ces actes irréparables.

C'est bien l'impression que tu as eue ?

Citation :

un psychopathe congénital qui manipule sa mère jusqu’à la rendre impuissante ?

rotko a écrit:

C'est bien l'impression que tu as eue ?

Pas vraiment, Kévin est décrit comme un anormal dés la naissance :

il n'a pas vécu de traumatisme dans sa petite enfance ou grandi dans des conditions de vie qui pourraient le rendre marginal, frustré, solitaire, il est né comme ça....

ce qui est inconcevable et fait obstacle à toute réflexion....

oui, "l'impression" concernait la phrase suivante : un psychopathe congenital, et non la précédente.
On retrouve là, je crois, la pensée des neo-conservateurs américains...

rotko a écrit:

On retrouve là, je crois, la pensée des neo-conservateurs américains...

Exactement.....
l'inné et l'acquis..... à méditer pour le 6 mai...

Citation :

il [Sarkozy] pense que nous naissons bons ou mauvais et que, quoi qu'il arrive, quoi qu'on fasse, tout est déjà réglé par la nature.

A ce moment, je perçois là la métaphysique de droite, la pensée de droite, l'ontologie de droite : l'existence d'idées pures sans relation avec le monde. Le Mal, le Bien, les Bons, les Méchants, et l'on peut ainsi continuer : les Courageux, les Fainéants, les Travailleurs, les Assistés, un genre de théâtre sur lequel chacun joue son rôle, écrit bien en amont par un Destin qui organise tout. Un Destin ou Dieu si l'on veut. Ainsi le Gendarme, le Policier, le Juge, le Soldat, le Militaire et, en face, le Criminel, le Délinquant, le Contrevenant, l'Ennemi. Logique de guerre qui interdit toute paix possible un jour.

J'avance l'idée inverse : on ne naît pas ce que l'on est, on le devient. Il rechigne et refuse. Et les déterminismes biologiques, psychiques, politiques, économiques, historiques, géographiques ? Rien n'y fait.

Il affirme : «J'inclinerais pour ma part à penser qu'on naît pédophile, et c'est d'ailleurs un problème que nous ne sachions soigner cette pathologie-là. Il y a 1200 ou 1 300 jeunes qui se suicident en France chaque année, ce n'est pas parce que leurs parents s'en sont mal occupés! Mais parce que génétiquement ils avaient une fragilité, une douleur préalable. Prenez les fumeurs : certains développent un cancer, d'autres non. Les premiers ont une faiblesse physiologique héréditaire. Les circonstances ne font pas tout, la part de l'inné est immense.» « Génétiquement» : une position intellectuelle tellement répandue outre-atlantique.

dialogue Onfray-Sarkozy dans le nouvel observateur.

Citation :

Bref, pour moi, une vaste supercherie, à la limite de l'insulte pour les victimes des massacres qui ont vraiment eu lieu Twisted Evil

Bof bof... dans ce cas, on ne peut plus écrire sur rien. Ce livre soulève tout de même pas mal de questions (malgré un titre nul).

Caricatural ? je n'en sais rien, je n'en sais pas assez sur ce genre d'excès.
Mère égoiste ? Non plus... si vouloir conserver une vie professionnelle est
égoiste, on refait un bon en arrière de pas mal d'années...

Je ne me suis pas sentie aggréssée par ce livre. Dès le début, j'ai pris mes distances étant donné que le seul point de vue est celui de la mère,
qu'elle réinterprete les évéments après coup.
Je ne pense pas qu'il faille prendre au pied de la lettre tout ce qu'elle dit...
d'autant plus qu'elle reconnait qu'elle est ravagée...
Nous ne connaitrons pas la vérité, puisqu'on a ici qu'une version....
une fois que les choses sont faites, c'est toujours facile de dire que la personne était prédestinée.
C'est donc un livre plus fin qu'il en a l'air.

Quant à l'explication du "pourquoi" il propose une réponse proche
à celle de "la fille sans qualité" de julia zeh....

Citation :

Bof bof... dans ce cas, on ne peut plus écrire sur rien.

Je crois que si, mais pas n'importe comment...

mona a écrit:

rotko a écrit:

C'est bien l'impression que tu as eue ?

Pas vraiment, Kévin est décrit comme un anormal dés la naissance :
il n'a pas vécu de traumatisme dans sa petite enfance ou grandi dans des conditions de vie qui pourraient le rendre marginal, frustré, solitaire, il est né comme ça....
ce qui est inconcevable et fait obstacle à toute réflexion....

Oui, oui, je comprends tout à fait que ce soit génant, surtout à l'heure ou certaines personnes en France (hum hum)
veulent déceler la violence dès les premières années. C'est effectivement très tabou. Et ca me choque aussi...

MAIS ...; je redis ce que j'ai mis plus haut.. tout le livre est basé sur la parole de la mère contre.... le néant !
Le père n'apporte pas son point de vue. Tous les actes décrits le sont par le regard de la mère, on ne peut donc pas être sûr de ce qu'elle avance, et ce pour rien...
Jamais de témoins exterieurs...
J'ai donc oscillé entre un "et si c'était vrai ?" et un "putain, elle est complètement barrée".

Plutôt qu'un livre sur kevin, pour moi, il s'agit presque d'un livre
sur les troubles psychologiques de sa mère...