Natacha Appanah

L'auteur

Nathacha Appanah est née en 1973 à l'ile Maurice. Elle s’oriente rapidement vers le journalisme dans le groupe de presse Le Mauricien. En 1998, une bourse la mène en France. Après quelques années de reportages pour la presse et la radio, elle travaille actuellement pour une ONG à Paris.
Trois roman parus chez Gallimarfd : Les Rochers de Poudre d'or (prix RFO 2003), Blue Bay Palace (2004 grand prix littéraires des océans Indien et Pacifique), La Noce d' Anna (2005 prix grand public du Salon du livre).

2007 : Le dernier frère parait aux Editions de l'Olivier

Le dernier frère


Premières phrases :

Citation :

J'ai revu David hier. J'étais dans mon lit, j'avais l'esprit vide, le corps léger, juste une douce pesanteur là, entre les yeux. Je ne sais pourquoi j'ai tourné la tête vers la porte, David n'avait pas fait de bruit pourtant, non il n'avait pas fait de bruit, ce n'était pas comme avant quand il marchait et courait un peu de guingois, et je m'étonnais toujours que son corps maigre, ses jambes et ses bras longs et fins comme les roseaux qui poussent au bord des rivières, son visage perdu dans ses cheveux doux et aériens telle l'écume des vagues, je m'étonnais toujours que tout ça, cet ensemble de choses petites et douces et inoffensives, fasse autant de bruit sur le sol quand David marchait.

Un début d'une douceur et d'une sensibilité qui m'a fait croire qu'il s'agissait d'une narratrice parlant de son frère disparu .....

Le dernier frère

La suite m'a détrompée et je n'ai pas lâché le livre, sonnée en tournant la dernière page, au bord du sanglot....et en même temps apaisée presque sereine

Le début de l'histoire :

Citation :

" On dit que l'on rêve de choses étranges quand on est près de mourir. " Est-ce la raison pour laquelle David vient d'apparaître à Raj dans la nuit ? Décidant de se rendre pour la première fois sur la tombe de son ami, Raj, au soir de sa vie, se souvient. De son enfance dans le Nord de l'île Maurice, au village de Mapou, de la mort accidentelle de ses deux frères, et de son départ vers Beau-Bassin, au centre du pays. " J'étais de ces enfants qui apprennent tôt que rien ne s'obtient facilement, vite et sans peine. " Lorsqu'il découvre la présence de David, un garçon de dix ans, dans la prison de Beau-Bassin où son père travaille comme gardien, Raj s'attache à ce jeune juif déporté, orphelin, prisonnier, enfant sans enfance, dont il peine à comprendre la trajectoire.

Un livre très fort et doux à la fois, Nattacha Appanah dans un style simple, fluide et très imagé touche à toute les petites choses de la vie qui font se rejoindre un destin personnel, celui de Raj, à la seconde guerre mondiale avec la déportation du peuple Juif, à travers sa rencontre avec David.

Raj a honte et il revit au seuil de la mort sa culpabilité :

Citation :

Je pensais qu'à mon grand âge je regarderais ma vie avec indulgence, car je sais que regretter ne sert à rien, qu'il faut beaucoup de chances pour accomplir ses rêves, que la meilleure façon de vivre est de faire du mieux qu'on peut à chaque instant, et qu'il y a tellement de choses qui se font sans nous quand bien même nous passons notre temps à courir comme des fous, à croire que nous pouvons y changer quoi que ce soit. Mais quand je me souviens de ces jours d'été 1945, qand je parle de David, mon coeur est lourd, ma tête fourmille et je voudrais pleurer tellement les regrets m'assaillent.

Mais aussi

Citation :

La petite voix de David montait le long du camphrier, ses mots yiddish emplissaient une nature tropicale sa chanson juive enveloppait la forêt et m'enveloppait, moi, le petit Raj. Sa voix était si sereine, les mots s'enchaînaient naturellement les uns au autres et ce chapelet rentrait en moi pour trouver mon coeur et m'unissait au monde, comme si jusque-là, je lui avais été étranger.

PLus loin

Citation :

Même si je n'en comprenais pas un mot, les larmes me montèrent aux yeux et plus que tout, plus que ces jours passés ensemble, plus que notre escapade même, c'est ce moment-là qui sera à jamais le noeud qui nous unissait.

Poignant et tellement juste.
A lire absolument

C'est un livre passionnant qui vous brûle les doigts; les sentiments y sont très forts et vous rappellent les poids au creux de l'estomac ..........pas prête de l'oublier

La noce d'Anna



Gallimard-140 pages

Citation :

" Sur le mur, la robe est accrochée comme un tableau de chasse. Elle est belle, sans doute un peu sage mais, qu'importe, c'est le jour d'Anna. Aujourd'hui, 21 avril, je marie ma fille, je laisserai de côté mes pensées de vieille folle, je serai comme elle aime que je sois : digne, bien coiffée, bien maquillée, souriante, prête à des conversations que je suivrai avec un enthousiasme feint et qui ne me laisseront aucun souvenir, parée pour butiner d'invité en invitée, mère parfaite que je serai aujourd'hui. Je me cacherai pour inhaler mes Fumer Tue. Je marie ma fille, aujourd'hui. Cette phrase bondit dans ma tête tandis que je la regarde dormir. J'ai quarante-deux ans et je marie ma fille aujourd'hui. J'ai soudain l'impression d'être sortie de mon corps, de flotter au-dessus d'Anna endormie et de moi-même, de regarder tout cela comme on regarde un film, de me dire que cela ne peut pas m'arriver, pas à moi. J'aurais souhaité être sage le jour du mariage de ma fille... " Pendant la noce d'Anna, sa mère se souvient. De la jeune femme qu'elle a été, si différente de sa fille aujourd'hui, de ses rêves, de ses espoirs, de ses envies ; parce qu'elle en a encore, des envies, cette femme célibataire qui marie sa fille... Pendant la noce, l'enfance d'Anna resurgit avec le souvenir du père, de l'absent, de l'inconnu... Et un autre bonheur pointe son nez dans la nuit.

Nous sommes le matin des noces d’Anna. L’espace d’une journée, toute une vie se bouscule, en désordre dans les pensées de sa mère.
Avec une infinie tendresse, avec à la fois la réserve et un naturel désarmant, elle livre ses angoisses, ses regrets de n’avoir pas fait, ou pas assez. Sous le mode de la confidence nous apprenons ses émois de jeunes filles dont Anna est issue. Elle ne se ménage pas, et se donne tout entier au lecteur dans une confession courte, mais si intense.

Il m’est difficile d’en dire plus, parce que ce texte se ressent, et se vit plus qu’il ne se raconte. Très souvent, quand c’est Beau, il faut le dire, tout simplement, sans rien ajouter…si ce n’est que de vous encourager à savourer ce texte magnifiquement écrit.

« C’est si difficile d’être une mère, je ne sais pas comment font ces autres à qui tout réussit. »
« Jamais je n’ai vu d’enfant si sage si vite, si lisse parfois, si consciente de ses responsabilités envers moi, sa mère. Comme si très tôt, elle avait su que je l’avais mise au monde pour me recadrer, pour faire de moi une grande personne, une adulte aux yeux des autres et une ombre aussi pour me réfugier. »