Marc Dugain

De Marc Dugain, vous connaissez
La chambre des officiers pocket.
porté à l'écran par Franois Dupeyron avec Eric Caravaca, Sabine Azema
André Dussolier, Bruno Podalydès


Il vient d'écrire Une exécution ordinaire, chez Gallimard, récit du naufrage du Koursk le sousmarin nucléaire qui avait 118 marins à bord.

Le mot "execution" me trouble, pour la tragedie du Koursk. Ceux qui ont lu ce roman pourront peut-être m´en dire un peu plus?
Quand une catastrophe de cette envergure a lieu, je dévore la presse et tous les articles sur le moment, et puis un tournant prend place: plus personne ne parle du fait, l´histoire est enterrée ( "engouffrée devrais-je dire cette fois-ci) et je reste toujours sur ma faim de comprendre, car l´explication de l´affaire ne vient jamais jamais de nulle part, et je dois m´en tenir à mes confusions.

Selon la note de gallimard, le livre dénonce

Citation :

le profond mépris pour la vie manifesté par les gardiens paranoïaques de l'empire russe.

Je n'ai pas lu le livre mais les différentes notices laissent entendre que la mort de l'equipage resulte d'une décision de non-assistance prise au plus haut niveau.

Poutine serait directement visé puisque, dans le roman, il serait present sous le nom de Plotov,

jeune espion du KGB prêt à tuer une femme pour faire carrière . On le retrouve plus tard, tout aussi veule et vicieux, au moment de décider s'il faut sauver ou non les marins de l'Oskar...
Tel paraît être le regard porté par Dugain, ce qui légitime dans son optique le terme d'exécution.

On peut dire aussi que d'une décision à exécuter à l'arrêt de mort prononcé la distance est courte.

Dans la malediction d'Edgar, Marc Dugain raconte le projet du chef du FBI, Edgar Hoover qui a pesé pendant 50 ans sur la politique americaine et ses dirigeants.

Certaines citations ne manquent pas de sel

"il y a un pouvoir que j'accepte qu'on me prête, c'est eventuelleement de défaire un président ou nuire à sa réélection, de barrer la route à un candidat qui me paraîtrait inadéquat pour le pays [...]

Dans la vie il y a ceux qui avancent et ceux qui obstruent. C'est de ce dernier côté qu'on juge les choses avec le plus de sérénité, pour ne pas dire d'objectivité.

Le pouvoir d'obstruer n'oblige jamais à rendre des comptes, alors que celui de faire nécessite de se justifier en permanence."

la malediction d'Edgar

Les mémoires de Clyde Tolson, tels qu’imaginés par Marc Dugain, font un drôle de portrait d’Edgar Hoover, chef du FBI de 1924 à 1972 : un maniaque des écoutes et de dossiers sulfureux visant à tenir sous sa coupe les hommes du pouvoir, qu’ils soient candidats aux élections, ministres de la justice ou présidents des USA.

Car avec Hoover, cet obsédé du prétendu complot freudo-communiste, - il hait Freud parce que juif et psychanalyste, nous sommes au cœur des intrigues qui mènent à l’accession du clan Kennedy, de la chasse aux sorcières maccarthiste, de l’affaire Rosenberg etc…

Les dialogues entre les personnages et les commentaires du narrateur sont pétillants de méchanceté ou de cynisme, selon les cas : à propos de la rencontre John Kennedy - « défini comme un parvenu dans lequel bout du jus de carte bénit par le pape », et Richard Nixon :

Citation :

« Il y avait un sacré contraste entre leurs mines de jeunes premiers -même si John était de quatre ans le cadet de Nixon. Symboles d’une éblouissante propreté, véritables icônes d’emballage de pâte dentifrice, l’histoire de leur élection exhalait cependant l’odeur saumâtre des marais asséchés »

la malédiction d'Edgar

Les moments d’humour ne sont pas légion , mais l’entrevue de Hoover avec un psychanalyste pourrait donner lieu à un excellent sketch comique.

Par ailleurs le narrateur jette un œil cruel sur les milieux du pouvoir qui ont recours à la pègre qu’il faudra ensuite ménager, sinon gare au retour de bâton...
Des passages comme l’assassinat de Kennedy retiennent l’intérêt car on est soucieux d’y voir clair, de même que sur le prétendu suicide de Marilyne Monroe,

Citation :

« un des plus beaux exemples de couverture réussie d’un meurtre comploté »;

Par contre en fin de volume quelques « tartines » sont lassantes, notamment à propos de Lyndon Johnson et l’existentialisme de Camus.

Une bibliographie indique les sources de Marc Dugain qui se présente comme fidèle à l’Histoire, dans les faits et l’esprit des propos.

Son livre percutant s’inscrit dans le droit fil de «pas de grand homme pour son valet de chambre», et si ce « valet » présente avec talent le dessous des cartes, il nous convainc que la grande scène politique du monde démocratique était un repaire de scélérats et de tricheurs.

Une exécution ordinaire

Les premières phrases :

Citation :

Ce matin-là de l’hiver 1952, comme presque chaque jour depuis la fin de la guerre, ma mère qui était urologue avait pris son service à l’hôpital de M. dans la lointaine banlieue moscovite. Elle faisait le tour des malades derrière le médecin chef et son aréopage d’assistants, lorsque, dans le couloir, un homme conduit vers elle par une surveillante a demandé à lui parler. Personne dans la petite troupe ne s’en est offusqué. Quand l’homme s’est approché, les autres se sont détournés. Il n’était pas rare à l’époque qu’on vienne arrêter quelqu’un sur son lieu de travail, même si la police secrète avait une préférence pour les enlèvements de nuit. Lui accorder un dernier regard, inspiré par la curiosité plus que par la compassion, était une façon dangereuse de reconnaître un lien avec le prévenu.

En un premier paragraphe Marc Dugain impose avec brio la terreur de ces années staliniennes

Une exécution ordinaire

S’ensuit l’histoire de la mère du narrateur et de son père…
Avec un humour qui donne le frisson :

ses voisins se sont plaints au concierge « des cris qui selon eux seraient des cris de jouissance…/… ils subissent cette nuisance depuis prés d’un an maintenant, entre une et deux fois par soir, et même parfois en pleine nuit ou le matin et jusqu’à trois fois le dimanche. Avant que je ne poursuive reconnaissez-vous les faits ? »


Puis une deuxième partie mettant en scène un colonel et un général du KGB sous Gorbatchev débattant de l’évolution du parti, de la corruption de ses membres, de la fin prochaine du communisme et de la nécessité de faire le tri entre les bons et les mauvais agents selon leur fidélité à la Maison et non au système… Plotov jeune recrue du KGB va être mis à l’épreuve….

J’avoue que cette partie m’a plutôt indisposée, je n’en voyais pas le lien avec la première et j’en étais agacée….. J’étais heureuse d’en avoir fini…. D’autant que le Plotov m’a donné la nausée

Une exécution ordinaire

Troisième partie intitulée: Anterograd (sic!):

Citation :

C’est en haut de notre escalier que j’ai croisé Alexandra Alexandrovna ce jour-là.

Ouf ! Je retrouve le narrateur, la sainte Russie avec l’alliance du prénom et de son diminutif et cet humour désabusé, jouant sur les mots, ou simplement réaliste, par exemple :

…/….La révolution a duré un peu plus de soixante-dix ans, si l’on accepte l’idée que la révolution est bien le trajet que parcourt une planète pour revenir à son point de départ, en tournant sur elle-même.

…../…. L’idée de faire un port à la latitude du cercle polaire s’explique par le fait que la mer n’y gèle jamais, réchauffée par le Gulf Stream, un de ces rares étrangers à avoir été autorisé à circuler librement sur nos côtes tout au long de notre histoire sans être un agent double.

Pavel, le narrateur, décrit sa vie quotidienne, celle de son couple, de sa famille et ses relations amicales et extra-conjuguale avec comme éclairage cette soudaine « indemnisation » de l’état contre son silence et son déménagement….

C’est seulement à la page 201 (le livre en compte 350) que le mot sous-marin est enfin prononcé….

A vous de découvrir la suite avec bien sûr le retour de Plotov et de l’ex-KGB

Une exécution ordinaire

Une dernière citation, quand tout semble avoir été raconté et qu’il ne s’agit maintenant plus que de survivre à la douleur morale:

…/…. Parfois, dans la vie, on mériterait un petit coup de main. On ne peut pas toujours déranger ses amis. On est tenté de s’adresser à Dieu, mais tant de gens se sont mis entre lui et nous, qu’on hésite à l’approcher. Réintégrée dans ses droits l’Eglise orthodoxe a retrouvé son naturel d’auxiliaire des oppresseurs. Et le nécessiteux comme moi se retrouve seul dans son champ de ruines à errer parmi les décombres. J’apprivoise le doute. Il peut être le plus fidèle des compagnons. Il est le seul signe de la foi. Vivre religieusement, c’est vivre dans le doute et accepter de porter ce fardeau. On devrait excommunier tous ceux qui disent avoir trouvé Dieu et tous les autres qui s’en servent pour leurs petites affaires privées.

Une belle leçon de vie face à l’ETAT surpuissant, protégeant quelques uns au mépris de la vie des autres…

Un très bon livre pour le vulgum pecus….
Un historien, un expert en sous-marin nucléaire, un journaliste y trouveraient certainement des invraisemblances nuisant à l’ouvrage… encore que.... ce n'est qu'une supposition

J’ai tout bu comme du petit lait… (sauf que j'exècre le lait )

Citation :

Un historien, un expert en sous-marin nucléaire, un journaliste y trouveraient certainement des invraisemblances nuisant à l’ouvrage… encore que.... ce n'est qu'une supposition

Effectivement la question de la credibilité de Dugain se pose. Dans la malediction d'Edgar, il donne en fin de volume un aperçu bibliographique qui "fait sérieux", mais il avoue avoir inventé des personnages et des dialogues.

D'autre part, faute d'avoir lu les journaux de l'epoque, le lecteur est bien obligé de faire confiance à l'auteur.

Reste la vraisemblance : dans la malédiction d'Edgar, elle est assurée, et comme le champ d'investigation est restreint - ce n'est pas un panorama des USA au temps des Kennedy, on suit l'auteur.

Dans une exécution ordinaire les faits sont plus récents et le contexte historique nous est sans doute mieux connu par la lecture des journaux ? L'affaire du sousmarin soviétique, je l'ai vue dans la presse et je me rappelle bien l'épisode.

De là à dire que tout est exact, on peut se renseigner.

J'ai commencé Execution ordinaire. Ce début est prenant mais jeme dis que Dugain sacrifie les personnages à l'histoire : n'est-il pas étonnant que Staline dévoile aussi ingenuement - ou cyniquement, ses pratiques tyranniques à une quasi inconnue ?
ceci dit, le procédé est excellent pour camper l'époque.

rotko a écrit:

ceci dit, le procédé est excellent pour camper l'époque.

oui, bien meilleur qu'une démonstration chiffrée ou basée sur des témoignages car en très peu de pages tout est dit....

Une femme urologue en 1952 (la mère du narrateur)....en 2007 je ne suis pas certaine qu'il en existe en France..... Ce choix nous plonge dés la première page dans la camaraderie ambiante

En fait ce début avec Staline est primordial pour la suite....

Citation :

C’est seulement à la page 201 (le livre en compte 350) que le mot sous-marin est enfin prononcé….

Dans le contexte que tu choisis, mais je le trouve page 76 en preparation, pour ainsi dire. Staline :

Citation :

"j'ai lancé un grand projet de sousmarin nucléaire".

Le mari de l'urologue y travaillera. J'ai trouvé un autre indice de la suite, glissé innocemment, quelqu'un annonce la naissance d'un garçon, Vladimir....

Marc Dugain, une exécution ordinaire, Gallimard

La début de l’histoire est très prenant puisqu’il montre avec des exemples concrets comment l’État, incarné par son dirigeant suprême, intervient dans la vie des particuliers, brisant sans scrupule la vie des couples. On ne doit pas prendre à la légère les paroles des chefs, tout citoyen le sait, s’attendant à chaque instant au pire. Un climat oppressant.

Cette même pesanteur se fait sentir à la fin du livre dans les scènes inoubliables du sous-marin échoué. On voit là un auteur qui excelle à relater de l’intérieur la tragédie, comme il montre sans fard et avec une impitoyable vraisemblance, à l'extérieur, l’inhumanité des raisons d’État, telles que les conçoit un chef bien formaté.

Entre ces deux moments, le récit à mon avis « flotte »(!) un peu : les conversations à mots couverts, les suspicions ambiantes nuisent à la clarté du propos, et si elles ont des raisons d’être, le lecteur risque cependant d’avoir du mal à endosser aussi longtemps une tenue de conspirateur.

Au final, une exécution ordinaire frappe davantage par l’habileté et l’efficacité du récit que par la peinture des personnages, décrits, m’a-t-il semblé, Russie oblige sans doute, avec froideur.

Sur l'exactitude historique générale de la malédiction d'Edgard, lemonde 2 revenait récemment sur le mythe kennedy avec des archives et des mises au point. Pas de doute, Dugain dit vrai.

Swallow s'interrogeait sur le titre une exécution ordinaire. Les raisons invoquées par Poutine - par le truchement de Dugain, sont plus que convaincantes. Le terme "exécution" convient bien à une volonté claire de ne pas avoir de récits de la catastrophe par des témoins crédibles.

Entre ces deux livres, Dugain installe une passerelle :

Citation :

Dans une jeune démocratie comme l’Amérique, quarante-cinq ans n’ont pas suffi pour faire la lumière sur l’assassinat d’un de ses présidents. Dans une vieille dictature comme la nôtre, beaucoup plus ancrée dans la bureaucratie et le mystère, un bon siècle avant d’accéder à la vérité sur la mort d’une centaine de marins n’a rien d’un luxe.

Sur Poutine, le fim Rébellion, l'affaire Litvinenko Documentaire d'Andreï Nekrasov et Olga Konskaya n'est pas tendre.

Dans ce documentaire qui parle de l'assassinat de l' ex-agent russe Alexandre Litvinenko, empoisonné par du polonium 210 dans sa tasse de thé, le réalisateur "accuse le FSB, heritier du KGB et les milieux corrompus du pouvoir". Selon lui, les attentats de moscou en 1999 ont été des manipulations pour préparer la guerre en tchéchenie.

Citation :

documents à l'appui, le réalisateur accuse le président Poutine d'avoir été impliqué dans des détournements massifs d'aide humanitaire (quelque 800 M$) destinée à sa région d'origine de Saint-Pétersbourg en 1991 et 1992

rotko a écrit:

Selon lui, les attentats de moscou en 1999 ont été des manipulations pour préparer la guerre en tchéchenie.

et lui permettent d'accéder au pouvoir....

Un film documentaire sur le Koursk :https://www.dailymotion.com/video/xhugy_kourskunsousmarineneauxtroubles

Sur le bureau d'un collègue, je viens d'apercevoir Une exécution ordinaire. Il me dit que c'est un très bon bouquin. Renseignements pris, il me tente bien.
Et j'ai de nouveau allongé ma liste de lecture... Je ne sais pas comment je vais m'en sortir.

bridget a écrit:

Je viens de voir UNE EXECUTION ORDINAIRE, le film, je peux en parler ici ?

j'ai mis ton message sur le fil cinéma puisque le film y figurait déjà, mais c'est l'occasion de joindre les deux fils : ici on parle du film.

OK, j'avais fait une recherche avec "Dugain" (en majuscules), ça ne m'avait pas donné le fil du film

Il s'active beaucoup, marc Dugain !

Son nouveau roman, L’Insomnie des étoiles, sort chez Gallimard, le 19 août.
Le téléfilm La Bonté des femmes, coréalisé avec Yves Angelo et tiré d’une nouvelle d’ En bas les nuages, sera diffusé sur France 2 à l’automne avec André Dussollier.
Marc Dugain sera aussi au théâtre avec Une banale histoire, de Tchekhov, à l’Atelier à partir du 15 janvier, avec Jean-Pierre Darroussin.

source, le JDD.

Je viens de terminer " La chambre des officiers " . Je 'ai pas été charmé par l'écriture. Elle est assez conventionelle et ne m'a procuré aucune joie ni aucune surprise. La compassion avec Adrien est indéniable, pauvre homme, mais jamais l'empathie. J'irai même jusqu'à dire que d'user d'un sujet aussi sensible pour un roman me paraît facile. L'unanimité est quasi acquise, comme l'autisme, la mort ou la Shoah. Cela ne fait pas, à mon goût, de ce livre un grand livre et j'ai été déçu. Je m'attendais à des uppercuts, j'ai seulement senti le vent du boulet.

Lors de mes vacances en Italie, j'ai lu les spt nouvelles de Marc Dugain dans un recueil intityule "En bas, les nuages".
Une pensee qui semble reunir sept hommes semblables, tous solitaires, tous retire du monde, tous dechus, tous effaces et anodins. Tous vivent dans notre actualite et on trouve la vision de notre monde de l'auteur, pas optimiste malheureusement. Mais tous avec un enorme ego qui fait souffrir les autres et eux-memes aussi. Il y a aussi plein de reflexions sur Dieu, sur les rapports de Dieu et des hommes.
En contemplant la Chapelle Sexitine, j'ai pense au doigt de Dieu de la fameuse fresque de Michel Angequi cree l'homme, une puissance qui se propage et engendre l'histoire de l'humanite, mais souvent ce doigt est monstrueux dans la provocation des souffrances des humains ?! est-ce que cela a ete le but du createur?
"L'homme avait puni Dieu en le condamnant à une retraite forcée et Dieu se vengea pendant des siècles. Toutefois il lui était impossible de rompre le lien avec nous et ce fut une de nos grandes chances. Car qui d'autre parlerait de lui si nous venions à disparaître ?".

"L’homme qui n’a pas de but à atteindre ne vit qu’à moitié, il surnage."
Cette pensee de Marc Dugain semle reunir les seprt personnages. Il y a la nouvelle " Legende naive de l’Ouest lointain " qui se detache des autres, elle se fait remarquer par ses personnages et surtout celui de Kyle qui pense que flotter dans l'eau resout le probleme de l'obesite chez les americains. Les attentats du 11 septembre 2001 aneantit sa chimere.

"En bas, les nuages", au-dessous des nuages , est-ce l'humanite se demene avec ses doutes, ses questions, ses terribles secousses de tous les jours?

Ecriture agreable et fluide, ces nouvelles se lisent vite, mais a la fin, on est aussi desabuse que les sept personnages de Dugain d'"En bas, les nuages".