François Bon

Daewoo, de François Bon, chez Fayard

Les sinistré(e)s de Daewoo.

Comment ont-ils vécu les luttes pour conserver leurs emplois, puis leurs licenciements, ces employés de Daewoo, firme coréenne d'electroménager implantée en Lorraine, avec l'appui - et les fonds des pouvoirs publics ?

A Francois Bon l'enquëteur, chacun se confie, et tout y passe, des problémes collectifs aux retombées individuelles et familiales.

On entend des voix de colère et de chagrin, qui ne se résignent pas, et dénoncent le sort d'une main-d'oeuvre sacrifiée en toute connaissance de cause.

Pour raconter Daewoo, l'auteur innove. Il parle de son projet initial - une pièce de théâtre, raconte ses visites dans les locaux, transcrit souvent intégralement les propos des intéressés, tout en démystifiant les discours en vigueur dans les cercles économiques et commerciaux.

Le résultat qui s'intitule "roman" est une oeuvre hybride qui comporte à mon avis des défauts, tels que les répétitions ou les reprises d'un entretien en dialogue pour le théâtre. Notamment p 182 "chômage vie privée" et p 193 "théâtre : chômage et vie privée, le sac".

Mais il faut lire ce livre avec ses paroles de travailleurs, ses drames individuels et une Lorraine atteinte au coeur que le lecteur n'est pas prêt d'oublier.

Vu les intentions généreuses de Francois Bon et son louable souci d'innover en littérature pour y apporter la modernité, on se permettra quelques petites remarques :


Daewoo "quatuor de femes en colère pour dire la violence économique et le désastre intime" écrit par Francois Bon a été mis en scène par Charles Tordjman - Molière 2005 du spectacle en région, et a conu un beau succès. Là était le bon point

Le mauvais point, le voici !

Si Francois Bon excelle à démystifier les langages économique ou commercial qui, par différents sophismes et euphémismes, dénaturent la vérité et deshumanisent les relations entre les êtres humains et le travail. Lui, il donne la parole à des ouvrières licenciées, c'est bien, mais pourquoi recourir à des précautions de langage ?

Géraldine Roux parle d'un certain

Citation :

"J.P.Aubert, auteur d'un rapport interministériel chargé des restructurations"

Citation :

"Qu'est ce qu'il a dans la tête, monsieur Propre, payé par l'Etat francais pour lui dire ce qu'il a envie d'entendre ? Nous là on est quoi, une maladie provisoire, une jaunisse, quelque chose qui vous gratte, mais qu'il faut supporter le temps que ça passe ?"

Citation :

Le nom de la maladie en -isse employé par Géraldine sur son miniDisc était plus vert, je change. p.108

Il faut savoir ! Si on respecte le langage des ouvrières, on retranscrit intégralement ce qui est dit. Gommer un mot pour le remplacer par un autre plus poli, plus convenable, c'est pas sérieux ! Géraldine a sans doute employé le mot chaude-pisse, disons-le, il a de la gueule, on n'essuie pas la sueur ni la colère avec des kleenex parfumés bcbg.

Avez-vous lu Rolling Stones, une biographie par
François Bon, paru en Livre de poche ?



Il me paraît intéressant de faire intervenir dans la langue l'énergie des groupes musicaux. On ne va pas resasser des arguments pour ou contre Wagner pour faire littéraire !

Comme dirait Dylan les temps changent !

Justement François Bon a fait tout un travail de traductions des textes de Dylan, tout en reconstruisant les itinéraires, errances et évolutions du chanteur. Ce qui a donné sur France-culture un feuilleton, et à diverses occasions des lectures publiques de François Bon, agrémentées de chansons.

On entend un nouveau rythme de la phrase, comme si (evidemmment ce "comme si" est de trop !) l'écrivain pour se consacrer à son sujet lui avait emprunté son rythme spontané, son caractère brut.

A l'oral, ça donne des dates et des phrases sans verbe, un côté trépidant et agité qui a du punch. Qu'en est-il à la lecture silencieuse ? ça risque d'être lassant assurément, mais lier la musique et l'expression, c'est galvaniser la langue et ouvrir de nouvelles voies.

Pour en juger sur pièces ce site renvoie à deux extraits de ce feuilleton.

Pour lire le texte paru chez Albin Michel, le même aéditeur qu'Amélie Nothomb, on attendra le mois de septembre :

le 19 Août 2009 sort le livre de françois Bon Le 22 novembre 2008, l'incendie du Hilton chez Albin michel.

Citation :

en pleine nuit, alerte incendie au Hilton Montréal. Quinze étages plus bas, sur trois niveaux souterrains, le Salon du livre.

Soudain la ville et ses buildings vus à l'envers, depuis les coulisses. Et tous ces livres dans le sous-sol vide. Construire les quatre heures d'un récit qui se tiendrait au plus près des quatre heures à errer dans la nuit, de 1 h 15 à 5 h 50 exactement, entre rencontres réelles ou rêvées, et l'idée renversée de la ville. Un incendie dans le livre ?

Lire le commentaire de Christophe Donner dans Le monde 2 de cette semaine ... l'a pas du tout aimé !

Effectivement il trouve les descriptions rasoir et il lui reproche un apitoiement social constant, un peu déplacé quand il se retrouve au Hilton.

De là à penser que l'ecrivain se fait un public avec des considérations convenues, Donner le laisse penser puisque dans le preambule il trouve à ses titres - sinon à ses sujets, "un petit air prêtre-ouvrier".

j'avais été réticent sur Daewoo, voir plus haut, où il s'était permis de rectifier le langage d'une ouvrière, trouvant l'un de ses mots trop choquant,"chaude pisse", et le remplaçant par "jaunisse". Je n'aime pas ce sens des convenances, bien déplacé dans Daewoo.

Dans une lecture publique j'avais écouté des fragments de Bob dylan, une biographie et j'avais été étonné par le style haché que je croyais une innovation. Plus tard, j'ai ouvert le livre, et me suis aperçu qu'il s'agissait seulement d'un effet de diction.

Bon, je ne suis pas un adorateur inconditionnel de françois Bon, mais il y a certainement du Bon dans ses ouvrages


Les mutations de l’écrit ont une portée considérable puisqu’elles affectent la façon même dont une société se régit. C’est ainsi que le passage de l’ « imprimé » au « dématérialisé » induit, sous nos yeux, de nouveaux rapports à l’espace, de nouvelles segmentations du temps.

Tout annonce que le web sera demain notre livre (qu’il soit imprimé ou électronique), cette mutation en engageant d’autres, dont François Bon se fait ici l’analyste selon trois axes d’exploration : l’axe autobiographique (ou Comment F. B. s’est approprié cette technologie et comment elle a bouleversé son travail), l’axe technique (ou Quelles sont les virtualités de ces technologies), l’axe anthropologique (ou Qu’est-ce que ces nouvelles pratiques induisent dans la culture).

l'éditeur, Seuil, 274 p.

Gallimard demande des dommages et intérêts à François Bon pour sa traduction personnelle du vieil homme et la mer de Hemingway.

l'oeuvre originale est toujours couverte par le droit d'auteur en France, puisque, tombée dans le domaine public au Canada mais pas aux USA (attendre le 1er janvier 2047 aux Etats-Unis).

tout l' article.

En 1982, ce roman faisait en quatre semaines le tour d'une aliénation vécue de l'intérieur, évoquant le plus terrible, accident, mutilation, aliénation au travail, et surtout le plus profond des existences ouvrières : mort à soi-même, enfermement dans une vie parallèle qui ne croise jamais le chemin de son destin

François Bon poursuit son entreprise littéraire sur le monde du travail, à Saclay, comme le relate cet article de Slate.