Asunrath, livre mystérieux et histoire fantastique

Asunrath, Marie-Thérèse De Brosses, Joelle Losfeld

L’histoire de ce livre est aussi mystérieuse que celle qu’il rapporte.

L’auteur qui figure sur mon exemplaire, Marie Therèse De Brosses, serait la descendante directe de Joseph De Maistre, et du président De Brosses. De ce dernier on connaît « les lettres familières » (éditées en 1799) qu’il écrivit à ses proches, et où il raconte de manière érudite et savoureuse son voyage de 1739 en Italie.

Quant à sa descendante, Marie-Thérèse, journaliste à Paris Match, auteur de différents romans dont « la tour foudroyée », roman fantastique, elle ne serait pas l’auteur d’Asunrath, ce qui explique la disparition du livre, envoyé au pilon après un procès intenté par et gagné par le véritable auteur.

Sur la jaquette et à l’intérieur du livre, des illustrations de Claude Serre dont on connaît généralement l’humour noir, mais qui s’est aussi consacré au fantastique et à l’érotisme, ce qui est ici le cas.

Pour vous rappeler le style "un peu" cruel de Claude Serre, il faut CLIQUERICI

Voici des aperçus de ces effrayants tableaux érotiques où, à mots couverts, fantasmes et perversions se donnent libre cours...

Citation :

Dans un salon vert d’eau, une très jeune femme couverte de voiles légers reposait sur un lit de coussins. Avant de l’éveiller je la contemplai avec ravissement. Sa beauté un peu lasse, sa pâleur extrême où brillaient des lèvres carminées entrouvertes sur des lèvres délicates, m’inspirer une grande tendresse qui se métamorphosa en immense pitié lorsque, sous la transparence de la mousseline, je distinguai de longues traces brunes qui zébraient sa peau. La cravache…

Citation :

L’idée de sauver tant de ravissantes victimes m’exaltait. Le violent parfum des fleurs des jardins clos de la ville m’emplissait d’une délicieuse ivresse : j’étais grisé.

Citation :

J’ai découvert un étrange plaisir en la compagnie de ces jeunes femmes dont la soumission permettait toutes les audaces. J’ai aimé ces jours et ces nuits plus brefs que les nôtres…

Mais les créatures maléfiques sont là :

Citation :

J’allais faire signe à une de ces jeunes filles, quand une silhouette drapée de noir fit son apparition [...]
Pour autant que ses voiles laissaient apparaître son visage, on notait, inscrits en longs sillons dans la peau tannée, une cruauté et une indifférence inépuisables. La Veuve Noire avait l’air d’une servante de Belzébuth, d’une bonne sœur d’un ordre démoniaque toute dévouée à la cause du mal.

On pénètre dans un monde onirique seblable à celui Hans Baldung Grien

Cette image-ci étant trop lourde (600 ko), vous devrez vous déplacer pour voir ce que Hans baldung Grien craignait pour la beauté des femmes ! c'est
ICI.

Après ces visions oniriques, on entrebaillera les rideaux de l'histoire...

un avis de Gérard Klein sur les illustrations de Claude Serre :
http://www.noosfere.com/Icarus/livres/niourf.asp?numlivre=3763

Citation :

Serre a su notamment distiller un érotisme vénéneux, ainsi dans la troisième planche où un corps féminin-minuscule étalé sur une paume est menacé par un index gigantesque, comme par un phallus démesuré. Ainsi dans la sixième où une forme terrible encapuchonnée de noir tend une main décharnée vers une vierge alanguie qui repose à ses pieds. Mieux que l'auteur lui-même, Serre, a su rendre la mort omniprésente.

D'entrée de jeu, dès la seconde planche, avec cet ange de pierre auquel les injures du temps ont fait un masque de mort grasse. Plus allusivement dans la planche 7 qui est une Entrée des Enfers. Dans l'immobilité, en cette planche 8 où des cadavres d'insectes baignent dans un Styx stagnant et empoisonné.

Ailleurs, les signes du sexe et de la mort s'entrecroisent ou se superposent . Ce sont les rayons issus de prismes, qui transpercent un corps ; ou cette épingle qui cloue au sol une abominable sorcière.

Jeux de miroirs

Sallers le narrateur, quinquagénaire amateur de spectacles de boites de nuit, raconte à son actuelle compagne, la belle Geneviève, le plus extraordinaire strip tease qu’il ait jamais vu : un effeuillage démultiplié par de multiples petits miroirs.

Sallers dévide la pelote de ses souvenirs : accompagné d’une égérie, Florence, il s’était rendu au château de son ami Larquier dans un contexte inquiétant. Onze très jeunes filles du village venaient successivement de disparaître…On ne parlait du château qu’avec crainte et colère.

Les illustrations de Claude Serre anticipent sur les récits et font ressortir la monstruosité des événements attestés par les différents narrateurs.

La narration devient, elle aussi, un jeu de miroirs : les témoignages se recoupent et se complètent, ceux des gens du village, les cahiers d’un protagoniste, les propres aventures du narrateur décidé à faire la lumière sur les faits auxquels il se retrouve mêlé.

La construction du récit est donc très élaborée, et à Gerard Klein qui trouvait le style désuet, on repliquera qu'il correspond non à l'auteur, mais au narrateur, un vieux beau/esthète qui veut séduire sa compagne avec les armes à sa portée...