Albert Londres

Albert Londres, pas seulement un grand reporter et un voyageur, un écrivain !




Albert Londres vu par bibliomonde.

La rencontre d’un professeur de français et d’un bouquiniste de Casablanca est à l’origine de Putain d’Afrique ! de Didier Folleas aux éditions Arlea.

Le livre publie les photos d’Albert Londres alors reporter au petit parisien, ie la documentation photographique de Terre d’Ebène d’Albert Londres.

Londres, une sorte de Tintin débrouillard, a réussi à obtenir la grâce d’Eugène Dieudonné, anarchiste en fuite, poursuivi pour apprécier la bande à Bonnot,

Maintenant il se charge d’enfoncer la porte que Gide avait entr’ouverte, puissamment, avec Voyage au Congo.

Il va voir sur place. En résultera des feuilletons et l’ouvrage Terre d’Ebène .

Avec Albert Londres, la vérité sur les chantiers de la ligne de chemin de fer du congo-océan qui apparaît en pleine lumière :

Citation :

des dizaines de milliers de Loangos, de Bayas, de Saras, recrutés à la baïonnette jusqu’au Tchad, s’épuisent dans la boue, à ouvrir la montagne avec des outils rudimentaires. Dix-sept mille morts sous les coups de la meute hystérique des contremaîtres européens et de leurs tirailleurs sénégalais, eux-mêmes exténués par les épidémies.

Muss, en homme de terrain qui sait faire travailler les indigènes, révèle au journaliste le secret des coupeurs de bois :

Citation :

là, plus de préjugés, faites tirer avec ce que vous avez sous la main, homme, enfant, femmes, même si elles ont un gosse dans le ventre ou dans le dos. Tant pis si les seins tombent et raclent la terre ! Avant tout, sauvez la bille !

Terre d'ébène

On se doute bien que la presse du parti colonial n’a pas apprécié les articles du journal le petit parisien, mais c’est la nature même des insultes qu’on lui adresse qui est révélatrice :

Citation :

« Métis, ramasseur de mégots, vil feuilletoniste ».

C’est un

Citation :

anti-Français qui « crache sur le couscous ».

Un menteur éhonté qui a écrit

Citation :

« un livre dangereux »

(l’Avenir du Tonkin 19 juin 1929)

Citation :

« C’est un mulot de juif aux cheveux crépus »

la gazette coloniale du 7 mars 1929 regrette que le reporter

Citation :

"n"ait pas reçu des coloniaux intéressés la nécessaire correction"

mais on lui promet une solide garde d'honneur pour sa comparution devant un tribunal.

Abondamment cité par la ligue de défense de la race nègre dans un meeting de 1929 pour soutenir les insurgés de l’AEF, Albert Londres, le traître à sa patrie, devient un traître à sa race !

Citation :

Il y a qu’ils ne mangent pas à leur faim ; l’esprit peut se
faire une raison, l’estomac jamais. Il y a les fers, la nuit, pour
beaucoup, dans les cases !

Que chacun ait ce qu’il mérite, nous ne le discutons pas, mais que ces hommes soient venus sur terre pour dormir cloués à une planche, on ne peut dire cela. Plus de neuf mille Français ont été rejetés sur cette côte et sont tombés dans le cercle à tourments.

Mille ont su ramper et se sont installés
sur les bords, où il fait moins chaud ; les autres grouillent au
fond comme des bêtes, n’ayant plus qu’un mot à la bouche : le
malheur ; une idée fixe : la liberté.

lire ou telecharger gratuitement Au bagne d'Albert Londres.

Mon professeur citait toujours Albert Londres.
" Je demeure convaincu qu'un journaliste n'est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n'est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie "
Cette citation est devenue mienne.
Je remercie chaque jour Edwy Plenel de m'avoir fait connaître Albert Londres et de m'avoir transmis ces beaux idéaux.

Une excursion dans les écrits d'Albert Londres m'a récemment donné un grand bonheur de lecture. Le regard d'un journaliste sur le terrain me réjouit non pour la désolation qu'il trouve sur place, mais sur l'authenticité de ce qu'il transmet. Ni pathos ni honteuse transformation. Un regard, des mots pour le dire.

au professeur de DonaSol.

oui, et un homme courageux qui avait la volonté d'eclairer les esprits de ses contemporains contre leurs idées reçues.

rotko a écrit:

oui, et un homme courageux qui avait la volonté d'eclairer les esprits de ses contemporains contre leurs idées reçues.

La démarche n'est pas aisée, car dérangeante. La fonction principale d'un journaliste est pourtant de témoigner sans faux-fuyants. Une mission délicate. Sans eux, nous serions aveugles.

moi je l'estime en particulier pour avoir parlé du vrai visage du colonialisme et du travail indigène (une horreur !), alors que l'opinion était bercée par les éloges mensongers et cyniques de l'entreprise coloniale, civilisatrice et philanthropique, convertissant les "sauvages" à la vraie religion qui prône l'amour des autres.

là-dessus, qu'il ait dramatisé certaines rencontres ou épisodes du bagne, ça fait partie de l'art du conteur

S'il n'avait pas brodé autour de ces rencontres, ses écrits auraient pris une tournure plus documentaire, peut-être moins accessible aux lecteurs (ou plutôt, moins séduisants). Il a su trouver la bonne formule pour se faire lire, la démarche était importante s'il voulait informer en ratissant large.

J'ai été déroutée aux premières lectures par ce côté conteur. J'avoue avoir vacillé avant de comprendre sa démarche.