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| | Ahmadou Kourouma [Côte d'Ivoire] | |
| | Auteur | Message |
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rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Ahmadou Kourouma [Côte d'Ivoire] Dim 26 Mar 2006, 09:03 | |
| Ahmadou Kourouma, Allah n'est pas obligé, éditions du Seuil. Le grand bordel africain ! J'ai raté une adaptation théatrale de ce roman, et je le regrette bien ! Comment pouvait-on faire cette transposition ? Voila qui m'intrigue... je me rabats donc sur le roman d'Ahmadou Kourouma, auteur d'origine ivoirienne. C'est un enfant qui parle, et dans son langage "maladroit" qui accepte et relate les "7 plaies" d'Afrique, on trouve de quoi frémir et s'indigner. L'ennui à mes yeux vient de ce que le narrateur assaisonne sa langue prétendument fruste, d'explications empruntées au dictionnaire et à d'autres lexiques. Ce procédé coupe l'élan du lecteur - souvent 3 explications par page, et il se produit même des redites : " - Citation :
- Au village, quand quelque chose n'a pas d'importance, on dit qu'il ne vaut pas le pêt d'une vieille grand-mère. Je l'ai expliqué, une fois déjà, je l'explique encore
.)" p 66 Me voila donc frustré dans mon appétit de savoir comment réagissent et agissent les enfants-soldats à la kalachnikov dans les guerres du Liberia. Dommage ! le thème méritait à mon avis un meilleur traitement. Mais je serais curieux de connaître les réactions d'autres lecteurs. Ce livre a reçu le Prix Renaudot en 2000 | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Ahmadou Kourouma [Côte d'Ivoire] Dim 26 Mar 2006, 09:10 | |
| un extrait ici
http://culture.revolution.free.fr/critiques/Ahmadou_Kourouma-Allah_n_est_pas_oblige.html
et un entretien
http://www.unesco.org/courier/1999_03/fr/dires/txt1.htm | |
| | | Domi pilier
Nombre de messages : 32 Age : 62 Localisation : 78 Date d'inscription : 18/05/2006
| Sujet: Re: Ahmadou Kourouma [Côte d'Ivoire] Ven 13 Avr 2007, 23:32 | |
| En ce moment au théâtre Le Tarmac de la Villette (petit théâtre d'une soixantaine de places) se joue une pièce adaptée d'un roman de l’écrivain ivoirien Ahmadou Kourouma "Monné, outrages et défis".
Une trentaine de spectateurs ravis et muets à l'écoute de ce beau spectacle qui prend la forme d'un conte épique. L'adaptation et la mise en scène sont de Stéphanie Loïk qui a déjà travaillé sur des textes d'écrivains africains.
Les personnages : le Roi de Soba, Djigui Keita (joué par Hassane Kassi Kouyaté), l'interprète Soumaré (joué par D'de Kabal) et les Français, les Blancs (joués par Phil Deguil, le visage sec, la bouche déformée par les mots implacables qu'il prononce) se déplacent lentement avec des mouvements codifiés, presque chorégraphiques, sur un plateau nu. Le sol rougeoie de terre poussièreuse et le cyclorama colorie l'atmosphère. La lumière de Gilles Bouscarle est à la fois simple et belle.
Le texte coule de la bouche des comédiens comme un long poème, le verbe touche par son pittoresque, son humour, et sa force sans complaisance et sans parti pris. La musique et les danses africaines accompagnent le texte.
Le récit raconte la colonisation d'un pays africain sur une durée d'un siècle ; la trame en est la vie du roi musulman Keita (personnage imaginaire) ; confronté à l'arrivée des colonisateurs français. Le roi tente d'abord de s'opposer puis se compromet, entraînant son peuple vers la « monnè » (l'outrage) et la malédiction. L'interprète Soumaré, collaborant avec les « Nazaréens » permet d'éviter les exactions mais les populations noires doivent se soumettre aux règles des Blancs tandis que le Roi attend que les rails arrivent jusqu'à son village avec le train et la gare que les Blancs lui ont promis.
Ce conte se déroule comme une tragédie qui traverse le temps, première deuxième guerre mondiale, puis s'achève par la mort du roi, et l'indépendance d'un pays exangue.
A voir, si vous êtes en Ile de France. Et le prix des places est tout à fait abordable.
Le roman est édité au Seuil. | |
| | | Moon Animation
Nombre de messages : 8306 Age : 34 Localisation : Seattle Date d'inscription : 16/12/2006
| Sujet: Re: Ahmadou Kourouma [Côte d'Ivoire] Ven 13 Fév 2009, 12:21 | |
| Je commence à poster les infos que je glane par ci par là. ENTRETIEN DE BONIFACE MONGO-MBOUSSA DE AVEC AHMADOU KOUROUMAParis, octobre 1998 Quand il publie en 1968 son premier roman : Les Soleils des Indépendances, Ahmadou Kourouma crée une tradition qui fera de l'Indépendance le thème principal de la littérature africaine. Sur le plan de la narration, Kourouma s'inspire de la tradition orale en transposant le malinké dans la syntaxe française. En 1990, il publie Monné, Outrages et défis : une épopée tragique du peuple de Soba livré à la colonisation par son roi Djigui. Son dernier roman : En attendant le vote des bêtes sauvages. met en scène le rapport entre le pouvoir dictatorial et la magie au temps de la guerre froide. - Spoiler:
Ce qui frappe à la lecture de vos romans, c'est le choix judicieux des titres. Le même temps vous est-il nécessaire pour choisir un titre et rédiger le roman ?
Peut-être pas autant. Mais un certain temps... Le titre initial de ce dernier roman était Le désoumana purificatoire du guide suprême. Mais je l'ai trouvé assez ronflant...
Dans En attendant le vote de bêtes sauvages, de même que dans Monné, outrages et défis, vous accordez une place importante à l'Histoire africaine. Tout se passe comme si vous vouliez faire à la fois oeuvre d'historien et de romancier.
Oui ! L'Histoire africaine joue un rôle capital dans mes derniers livres. Dans Monné, Outrages et défis, je voulais témoigner sur la période coloniale. Ici, je montre les conséquences de la guerre froide en Afrique. Tout le désordre que nous vivons actuellement en Afrique est la conséquence de cette guerre. Elle a créé des monstres. Ces derniers s'en vont, mais le tassement demeure.
Vous estimez que s'il n'y avait pas eu de guerre froide, le destin de l'Afrique serait autre que celui que nous connaissons à l'heure actuelle ?
Tout à fait. Si on avait par exemple commencé par la démocratie, on vivrait présentement autre chose en Afrique.
On sait que vous avez été tirailleur en Indochine. Dans votre dernier roman, la place accordée aux guerres coloniales est importante. Peut-on y voir des relents autobiographiques ?
Il y a une part d'autobiographie dans ce livre, ne serait-ce que parce que j'ai combattu en Indochine, et aussi parce que je connais assez bien l'époque historique que je décris dans En attendant le vote des bêtes sauvages. Mais il y a aussi une dimension ethnologique : j'ai "consulté"un certain nombre de textes ethnologiques avant de rédiger ce roman.
Le bestiaire y est aussi présent. On y rencontre beaucoup d'animaux totems. A quoi cela est-il dû ?
Cela est dû tout simplement au fait qu'en Afrique, nous vivons avec la nature, avec les animaux. Certes, ces derniers ne sont plus aussi nombreux qu'à l'époque de mon enfance et de ma jeunesse. Mais ils continuent d'habiter mon imaginaire. Dans mon écriture, je fais souvent référence à la tradition orale, aux contes et légendes.
Alors à quoi l'ironie est-elle due ?
A la tradition orale, bien entendu. C'est une des techniques du discours oral qui permet de capter et de maintenir l'attention de l'auditoire. Dans Les Soleils des Indépendances, Salimata l'épouse de Fama était presque au même titre que son mari le personnage principal du roman. Dans En attendant le vote des bêtes sauvages les personnages féminins sont quasi inexistants. Vous savez que chez nous la dictature est quelque chose de masculin. Il y a le personnage de la mère, mais il est en retrait.
Une dernière question. Vous faites souvent allusion à la colonisation. Mais celle-ci est ambiguë. Quel regard portez-vous sur la relation coloniale ?
La colonisation a apporté quelque chose à l'Afrique. Elle a changé radicalement le visage de l'Afrique. Elle a permis le contact des peuples. Elle a en quelque sorte ouvert l'Afrique au monde occidental. Mais elle a également causé beaucoup de tort à l'Afrique, tout comme l'esclavage d'ailleurs. Il faut dire que la colonisation était presque inévitable... Ce qui est sûr, c'est que les Africains ont aussi leur part de responsabilité dans ce qui leur est arrivé : dans l'esclavage, dans la colonisation ainsi que dans la guerre froide.
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| | | Moon Animation
Nombre de messages : 8306 Age : 34 Localisation : Seattle Date d'inscription : 16/12/2006
| Sujet: Re: Ahmadou Kourouma [Côte d'Ivoire] Mer 03 Juin 2009, 20:08 | |
| J'ai travaillé ce semestre sur le comique, la satire et l'humour dans Les Soleils des Indépendances. Par flemme, je vous livre mon exposé presque tel quel (un peu plus rédigé tout de même) mais si jamais cela pose un problème je peux aussi reformuler tout ça. La forme est extrêmement scolaire et peut vous sembler rébarbative ! Je le mets en spoiler car ça n'a peut-être pas vraiment sa place ici (mes travaux pour la fac ne devraient se trouver dans le coin ). Mais si par le plus grand des hasards cela intéressait quelqu'un de le lire. - Spoiler:
Comique, satire et humour dans Les Soleils des indépendances d’A. Kourouma
Introduction
- Le comique, la satire et humour sont trois notions difficiles à définir. Pour plusieurs raison : tout d’abord on a affaire (1) à des définitions larges et qui peuvent se recouper (2). Evolution historique de ces notions : notamment une évolution littéraire. On peut d’ailleurs noter que ces trois notions sont des notions littéraires essentiellement européennes. (3) Le comique, la satire et l’humour sont liés à un contexte socio-culturel. En effet, Le Point important à sougliner face à la lecture de ce livre c’est que nous avons un regard européen sur la question. Or l’humour dépend de la vision que le lecteur porte sur l’oeuvre. Il y a une implication du lecteur dans le processus. La dimension éthnique et social est parfois difficile à saisir pour un lecteur européen. Nous n’avons donc pas les mêmes méthodes d’analyse que pour une oeuvre française. - Pour ces raisons : Il ne s’agit pas de donner des défintions exhaustives mais je vais essayer de cerner ses notions et de voir de quelle manière elles se manifestent dans Les soleils des indépendances. Je vais tout de même commencer par donner de courtes définitions pour essayer de clarifier ces trois notions.
- L’humour : L’humour est une communication au second dégré sur la réalité. Ici Il s’agit de l’humour de l’auteur dans sa présentation des évènements et des personnages. Double dimension que nous analyserons par la suite : mise à distance (processus psychologique) et processus de création esthétique (aspect littéraire). - Le comique : Il concerne plutôt le contenu romanesque à proprement parlé. Il s’agit de la présentation d’un écart entre la norme et le comportement particulier. Inadaptation à une situation donnée. Le comique sucite le rire. 3 types de comique 1) le comique de situation (quiproquos) 2) Le comique de caractère : stigmatise le ridicule d’un personnage. 3) Le comique de langage qui joue sur l’exagératio, la déformation ou les jeux de mots. Le comique se veut une stigmatisation des vices et des ridicules des hommes. - La Satire : De la même manière travail sur la réprésentation. Discours à la fois offensif et comique : esthétique de l’ambiguité. La satire consiste à dénoncer, creuser l’écart entre l’apparence et réalité (dimension critique mais pas nécessairement moralisatrice).
Dans quelle mesure retrouve-t-on ces trois notions dans l’oeuvre de Kourouma et comment s’articulent-elles ?
I / Le décalage entre le ton de l’auteur et les réalités décrites : les processus humoristiques et comiques.
C’est le travail sur la langue qui frappe le lecteur au premier abord. On a notamment affaire à un comique de langage. L’auteur introduit des expressions et des termes malinké dans la langue française et opère une synthèse. Parfois, il précice un terme français avec une équivalence en malinké. Le décalage entre les deux expressions créer un effet humoristique. Un exemple, dans la première phrase, « Il y a une semaine qu’avait fini dans la capitale Koné Ibrahima, de race malinké, ou disons-le en malinké : il n’avait pa soutenu un petit rhume... », il y a un écart entre l’expression malinké et l’évènement décrit. L’auteur joue sur ce décalage et introduit une distance humoristique. Ainsi, il y a une mise à distance entre le lecteur et l’évènement décrit. Mais le jeu sur le langage ne se limite pas à l’introduction d’expression malinké, il y a une véritable recherche d’un comique de langage auxquelles les expressions malinké ne font que contribuer. Tout d’abord on peut observer un jeu sur le registre de langue. En effet, la trivialité de certains passages et de certaines expressions créer un effet comique. Par exemple page 11 : « Et puis les badauds ! Les bâtards de baudauds plantés en plein trottoir comme dans la case de leur papa ». Le mot « batard » revient à de très nombreuses reprise dans le livre. Il s’agit en quelque sorte d’un comique de répétition. A ceci s’ajoute les comparaisons animalières, récurentes dans le livre. Fama comparé à un vautour lors de l’épisode du cimetière p.11. Dans certains épisodes assez durs, la comparaison animalière permet d’instaurer une certaine distance p. 41 Après l’exicision de Salimata, son mari est décrit de manière comique : « Baffi balançait une volumineuse hernie qui l’accablait de la démarche de l’écureil terrestre de Tiécoura ».
L’auteur intervient pour ajouter des précisions. Le ton reste sérieux mais l’on peut sentir humour de l’auteur. On parle de ton comico-sérieux. On peut observer un écalage entre le ton et les précisions ajoutées : ils ne sont pas sur le même plan. L’auteur apparaît de conivence avec le lecteur, on sait qu'il joue avec le lecteur lorsqu’il l’interpelle. Néanmoins, celui-ci se trouve face à une difficulté : dans les soleils des indépendances, Kourouma joue avec les traditions et les croyances malinké et il est parfois difficile pour le lecteur européen de saisir l’intention véritable de l’auteur. Par exemple, page 9, l’auteur décrit l’ombre de Koné Ibrahima après sa mort : l’évènement décrit est complètement irrationnel. A ce moment là intervention de l’auteur qui s’adresse au lecteur : « vous paraissez sceptique ! Eh bien moi, je vous le jure et j’ajoute... » L’auteur conserve un ton sérieux et renchéri même. Les précisions ne visent pas à convaincre le lecteur puisqu'il s'agit d'une croyance malinké, au contraire l’auteur s’indigne sur un point qui paraît dérisoire : « si l’on était pas dans l’ère des indépendances... je vous le jure, on n’aurait jamais osé inhumer... », il en rajoute même une couche en décrivant un autre évènement encore plus extraordinaire. Cette intervention de l’auteur créér un effet comique mais nécessite le compréhension du lecteur, son implication dans le processus humoristique.
De nombreux personnages sont stigmatisés et raillés dans Les soleils des indépendances et en particulier le personnage central : Fama. Fama n’est pas dans les normes, c’est un inadapté et c’est cette inadaptation qui sucite le rire. L’épisode au cimetière est par exemple caractéristique de son inadaptation. Il y a une aliance entre le comique du caractère et le comique de langage : la stigmatisation des personnages est imagée. On peut noter l'intervention des comparaisons animalières. p. 11 description des « vautours » ou « bandes de hyènes ».
II / Une satire sociale et politique découle des procédés humoristiques et comiques.
Des différents processus humoristiques et comiques décrits découlent une satire à la fois sociale et politique. Le comique de langage ainsi que des commentaires humoristiques de l’auteur jouent un rôle dans cette satire mais ce sont surtout les différents portraits dressés qui stigmatisent la société.
Kourouma dépeint la société ivoirienne en mettant en relief certains apsects comme les discours presque "racistes" (mais s'il s'agit plutôt ici de conflits entre différentes tribus). P. 101 on a la description d’un forestier par Fama : « Un bâtard, un vrai, un déhonté rejeton de la forêt et d’une maman qui n’a sûrement connu ni la moindre bande de tissu, ni la dignité du mariage ». Le comique provient de la rage de Fama, de la disproportion de son discours, néanmoins on perçoit également un aspect de la société. Il est important de souligner que le conflit entre forestiers / citadiens / agriculteurs existe réellement en Côte d'Ivoire.
Une autre caractéristique de la société africaine contemporaine qui est dépeinte par Kourouma c'est la synthèse entre l’ancienne religion et la religion musulmane. L’humour intervient car la pratique de l’ancienne religion est camouflée. Page 56 Salimata est qualifée de bonne musulmane, mais elle a recours à un mélange d’islam et d’ancienne magie. A travers le portrait du marabout page 65 il y a une trivialisation du maraboutage et de la religion musulmane. page 105 Kourouma résume la satire religieuse en une phrase : « tout le monde se dit et respire musulman, seul chacun craint le fétiche ». La satire religieuse se double également d’une satire politique p.66 : « Marabout pour député, ministre, ambassadeur et autres puissants qu’aucune somme ne peut dépasser et pourraient se confectionner des pagnes en billet de banque ».
Kourouma peint les moeurs de l’Afrique sous la colonisation, pendant la décolonisation et après celle-ci à travers différents portraits comiques et humoristiques d'hommes politiques. Il parle d'une réalité politique qui imprègne l’Afrique d’aujourd’hui puisque le renouveau politique ne s’est pas soldé par « un soleil ».
La période de la colonisation est représentée par un administrateur européen dont Kourouma fait un portrait humoristique et grotesque page 23 « un petit garnement européen d’administrateur, toujours un courte culotte sale, remuant et impoli comme la barbiche d’un bouc, commandait le Horodougou » Incompétance et irrespect mis en valeur de manière humorisitique. Pour la période de l'indépendance, on a un protrait grostesque de l’engament politique de Fama p. 24. En effet, celui-ci n’est pas élogieux : son engagement n’est pas présenté comme un combat noble : « Fama avait comme le petit rat de marigot creusé le trou pour le serpent avaleur de rats ». Page 56, il y a même un rapprochement entre la stérélité de Fama et son implication politique : « Parce que Fama se résigna à la stérilité sans remède de Salimata (...) C’est alors que tomba la politique ». Ce rapprochement dépasse le simple cadre du roman, page 57 : « La politique comprenait la virilité, la vengeance et il y avait presque cinquant années d’occupation par des infidèles à injurier, à défier, à défaire ». L’indépendance est dépeinte de manière encore plus néfaste : « comme une nuée de sauterelles les Indépendances tombèrent sur l’Afrique à la suite des indépendances ». Les absurdités du socalisme sont relatées sous la forme d’un conte humoristique. p.83/84 dont la fin apparaît en complet décalage avec les propos qui précédent : « mes dires ont donc sonné le silence comme le pet de la vieille grand-mère dans le cercle des petits enfants respectueux ».
Dans Les Soleils des Indépendances on a bien affaire à une satire qui creuse le fossé entre l’apparence et la réalité de manière à la fois comique et humoristique.
III / L’introduction de l’humour et du comique : un processus à la fois psychologique et esthétique.
Le comique et l’humour ne débouchent pas uniquement sur une sartire éthnique, religieuse et politique. En effet, l’humour et le comique sont des procédés à la fois psychologiques et esthétiques. Dans un premier temps nous verrons les deux aspects de cette dimension psychologique.
Nous avons vu que l’humour se caractérisait comme étant une communication au second degré sur la réalité : l’auteur en usant de l’humour instaure donc un écart entre le récit et lui-même, entre le récit et le lecteur. Cet écart permet au lecteur d’avoir une distance vis à vis de l’oeuvre. La réalité décrite par l’auteur n’est plus subie par le lecteur. De la même manière le comique en sucitant le rire et en pointant du doigt certains comportements permet au lecteur de maintenir une distance entre lui et les personnages. Il n’y a donc pas d’identification. Ainsi, la dureté de la description du calvaire de Salimata est attenuée par le retour au quotidien trivial comme les tapes sur les fesses. p.42 Cet épisode qui rompt avec la violence du récit. Dans la première partie du récit il n'y a pas d’humour : le lecteur se sent impliqué il y a une identification avec Salimata dans la seconde partie on trouve de l'humour et du comique et lecteur prend un certaine distance vis à vis de la scène.
Non seulement la réalité n’est plus subie par le lecteur mais également par l’auteur lui-même. Kourouma décrit une réalité sociale assez difficile et il a besoin d'une certaine distance pour peindre la misère, la corruption politique... sans avoir un point de vue moralisateur sur la question. L'auteur en utilisant les procédés humoristiques et comiques peut ainsi avoir une certaine distance vis à vis de la réalité décrite. Il se pose comme un observateur : c’est-à-dire comme quelqu’un d’extérieur. C’est d’autant plus important pour Kourouma que Les soleils des indépendances est en partie autobiographique. Nous avons vu que Fama était un double de son grand-père. Kourouma écrit une oeuvre fictionnelle mais qui porte sur une réalité : l’Afrique contemporaine et sa propre histoire. Freud parlait de l’humour comme « un moyen créateur d’exorciser les angoisses ».
Mais l’humour et le comique ne sont pas seulement des procédés purement psychologiques. Il ne faut pas oublier que nous avons affaire à un cadre littéraire dans lesquels l’humour, le comique et la satire sont intégrés. Il s’agit d’un parti pris de l’auteur qui les oppose aux moyens de communication normaux / sérieux. Ainsi l’humour et le comique dans une oeuvre littéraires deviennent un processus de création artistique. L’oeuvre de Kourouma s’inscrit dans une tradition littéraire à laquelle appartienne des oeuvres comme les comédies de Molière... L’ atmosphère du récit se caractérise par une certaine ambiguité. Le comique, la satire et l’humour jouent sur la double dimension du récit : l’apparence et la réalité.
Conclusion
L’humour, la satire et le comique sont des notions littéraires européennes (en particulier françaises et anglaises) - comme le roman est une forme littéraire européenne. Néanmoins chez Kourouma on observe un mélange culturel. Il emprunte des formes pour les adapter à un autre contexte. Cela peut poser problème au lecteur occidental mais c’est ce qui fait la richesse de l’oeuvre. En effet, Kourouma a oppèré une synthèse réussie entre différentes cultures pour créer un oeuvre novatrice et originale.
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| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Ahmadou Kourouma [Côte d'Ivoire] Mer 03 Juin 2009, 20:12 | |
| toutes les formes de contribution, de ta part, sont bienvenues on va pouvoir juger de ta dialectique | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Ahmadou Kourouma [Côte d'Ivoire] Ven 05 Nov 2010, 05:45 | |
| En attendant le vote des bêtes sauvages 380 pages au Seuil ou le portrait d'un certain président Koyaga en qui il est facile de reconnaître bon nombre de dictateurs africains. Le Seuil publie aussi un ouvrage qui rassemble Les Soleils des indépendances ; Monnè, outrages et défis ; En attendant le vote des bêtes sauvages ; Allah n'est pas obligé ; Quand on refuse on dit non ; Le Diseur de vérité clic ! 117 p. collection Opus. | |
| | | besta pilier
Nombre de messages : 2215 Age : 47 Date d'inscription : 23/02/2008
| Sujet: Re: Ahmadou Kourouma [Côte d'Ivoire] Mer 09 Fév 2011, 21:53 | |
| allah n'est pas obligé ne m'aura pas marqué plus que ça. je m'attendais à quelque chose de bien plus intéressant sur la vie de ces enfants soldats. comme le dit Rotko, la lecture est saccadée par ses définitions placées un peu partout et sur quasi chaque pages. je me suis ennuyé sur les 3 derniers chapitres, plus du tout dans le livre. ce n'est pas grâce à ce livre que je pourrai débattre sur les enfants soldats, on y apprend pas grand chose (même si ce n'est pas le but du livre j'imagine).
Dernière édition par besta le Jeu 10 Fév 2011, 07:25, édité 1 fois | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Ahmadou Kourouma [Côte d'Ivoire] Jeu 10 Fév 2011, 06:31 | |
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| | | mazel pilier
Nombre de messages : 1421 Age : 72 Localisation : Carrières sous Poissy Date d'inscription : 19/01/2007
| Sujet: Re: Ahmadou Kourouma [Côte d'Ivoire] Mar 11 Déc 2012, 09:33 | |
| Rotko, en effet, c'est celui-là que j'ai lu il y a quelques années, et pas beaucoup de souvenirs restants. | |
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| Sujet: Re: Ahmadou Kourouma [Côte d'Ivoire] | |
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| | | | Ahmadou Kourouma [Côte d'Ivoire] | |
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