Alberto Manguel - [Argentine]

"Journal d'un lecteur"

Alberto Manguel, auteur mondialement reconnu pour son Histoire de la lecture, s'est installé en juin 2002 dans un ancien presbytère du Poitou. Il y a installé sa bibliothèque de... 30 000 ouvrages !

«Après tant d'errances, explique Manguel, il me fallait un endroit où me poser et déballer enfin mes cartons. Le Canada, où je suis devenu écrivain, était trop cher. Quand j'ai découvert ce presbytère, cette région, j'ai su que c'était là.»

Quatre niveaux d'étagères afin de loger un maximum de volumes tout en les gardant accessibles. Il a choisi le bois, les éléments de décoration, l'éclairage. Le classement a ensuite été fait par langues et par ordre alphabétique d'auteurs, mélangeant ainsi prose, poésie, théâtre et essais. Certains thèmes, en revanche, comme les anthologies ou les livres d'art, sont regroupés à part.

Il continue d'acheter des livres et ne sesépare d'aucun,y compris ce qui lui semble mauvais («Ça peut aussi servir!»).Ses livres sont aussi là pour l'entourer, le rassurer

«Je peux suivre la trace de tous mes souvenirs grâce à ces volumes empilés.»

«La bibliothèque est un univers très personnel, illogique, irrationnel et affectif. Il n'y a que moi pour m'y retrouver», explique Manguel.

«Tout ce que je connais de l'univers est désormais là, sous mon toit. Cet ordre est une autre façon de regarder le chaos. Une bibliothèque est un reflet du monde, mais un reflet optimiste, réorganisé, repensé pour lui donner comme une structure narrative. Le matin, quand j'écris, c'est moi le maître, mais, la nuit, les livres prennent le pouvoir. Je suis sous leur influence, sous leur force...Je mourrai ici, au milieu d'eux.»

Manguel a 53 ans lorsqu'il s'installe dans son presbytère du Poitou. Il décide de relire pendant un an 12 de ses livres de prédilection - à raison d'un par mois. Cela donne le "Journal d'un lecteur" qu'il publie aujourd'hui. Retour sur sa vie et sur lien qui s'établit entre une oeuvre et son lecteur.

Voilà qui me tente ! L'Histoire de la lecture est un palpitant gros pavé ! Manguel a aussi écrit un tout petit livre qui s'appelle Chez Borges, où il raconte comment, alors qu'il était étudiant, il faisait la lecture à un Borges devenu aveugle... Un témoignage émouvant. Chez Babel.

Si vous avez encore sous la main l´exemplaire de ´"L´histoire de la lecture" de Manguel, pourriez-vous m´indiquer comment ont eté traduits en français ces merveilleux vers que Manguel emprunte à Robert Frost, dans la préface de son "Histoire de la lecture".
Merci.

En espagnol, voilà ce que ça donne :
" Aquel día que junto nuestras cabezas
El destino forjo un sabio encuentro
Yo absorto por el tiempo que hace fuera
Tu absorto por el tiempo que hace dentro..."

" A Craig Stephenson,

Le jour où il a rapproché nos têtes,
Le destin était plein d'imagination,
Ma tête si occupée du temps qu'il fait dehors,
La tienne du temps qu'il fait dedans.

D'arpès Robert Frost."

j´adore le choix en français du terme " imagination" quand en espagnol laisse transpirer une pointe de fatalisme, ou tout au moins de "hasard"
"Sabio encuentro".

Il me reste encore à decouvrir le texte original de Frost ( non trouvé online). Si quelqu´un le trouve, faites- le moi savoir.

Je fonctionne à la Quignard, c´est à dire qu´il n´y a rien de tel que lire les mêmes choses ( vers, idées. descriptions, etc) traduites en plusieurs langues ( c´est quand même restreint, puisque je n´en " domine" que 3) pour contempler toute la richesse et l´ampleur de la phrase ecrite.

MERCI; Colbrune pour ta rapidité. Coline m´avait aussi anticipé qu´elle allait répondre à ma demande, c´est un bonheur que de vous voir si attentifs et efficaces!!!

Le livre des éloges
Paru chez l'Escampette, traduit par François Gaudry.

C'est un petit livre charmant, un apéritif du grand livre de la lecture. Chacun des courts chapitres tourne autour des livres, de la lecture. Il y a l'éloge du livre de poche, l'éloge du cadeau (offrir..un livre, bien sûr), l'éloge du blasphème...

L'éloge du plaisir :

Citation :

Ma bibliothèque est une sorte d'autobiographie. Dans la prolifération des rayons, il y a un livre pour chaque instant de ma vie, pour chaque amitié, pour chaque désillusion, pour chaque changement. Ils marquent mes années comme ces pierres blanches qui jalonnent la route d'un pèlerin. Une annotation en marge, une tache de café, un billet de tramway oublié servent à signaler d'anciens anniversaires.

La bibliothèque, la nuit
Alberto Manguel écrit magnifiquement et intelligemment sur les livres.
La bibliothèque la nuit est une réflexion sur ce lieu magique, son histoire, ses mythes, ce que Mangel y aime, comment la construire.

Et comme beaucoup d'entre nous, il y a un panneau à ceux qui empruntent et ne rendent jamais, nous privant ainsi d'une infime parcelle de l'homme.

Un plaisir de lecture.

Tchipette a écrit:

il y a un panneau à ceux qui empruntent et ne rendent jamais, nous privant ainsi d'une infime parcelle de l'homme.

que veux-tu dire ? ce doit être une expression locale...

à moins que je tombe dans le panneau...

Oh c'est tout simple : dans ma bibliothèque il y a un fac-similé d'un "panneau" de la bibliothèque de Salamanque menaçant d'excommunication (pas moins !) tous ceux qui oubliraient de rendre leur livre...
Et j'ai quelques exemples proches qui font de même, menaçant des pires sévices

Manguel fait de même mais impossible ce soir de retrouver sa malédiction !

A Buenos Aires, le jeune Alberto Manguel a longtemps prêté ses yeux et sa voix pour Borges, le maître argentin de la littérature.


Chez Borges, Babel, Actes sud.

Citation :

« Les conversations avec Borges […] étaient ce qu'à mon avis devaient être toutes les conversations : elles traitaient de livres et de l'horlogerie des livres, de la découverte d'auteurs que je n'avais pas encore lus et d'idées qui ne m'étaient encore jamais venues à l'esprit ou que je n'avais qu'entraperçues de façon hésitante, à demi intuitive et qui, par la voix de Borges, brillaient et étincellaient dans toute leur splendeur généreuse et, d'une certaine manière, évidente. Je ne prenais pas de notes parce que, ces soirs-là, je me sentais trop comblé. »

Je viens de terminer "La bibliothèque, la nuit", quel régal ! Ce n'est absolument pas ennuyeux, très vivant, bourré d'anecdotes, d'illustrations, de portraits d'auteurs, de bibliothécaires passionnés, de libraires, un véritablement foisonnement - mais aussi ordonné qu'une bibliothèque
Et merci à Tchipette pour l'histoire du panneau, je suis allée le chercher sur internet, il est formidable

IzaBzh a écrit:

Et merci à Tchipette pour l'histoire du panneau, je suis allée le chercher sur internet, il est formidable

moi aussi je le veux, ce panneau donne le contenu ou le lien, j'aimerais le regarder

Je te mets ça dans la journée, là je dois partir au boulot

Voilà, j'ai trouvé ledit panneau ICI

merci, je tombe "sur" et "dans" le panneau


et je remercie pour la traduction,
« Par privilège de sa Sainteté le Pape, sera frappée d’excommunication toute personne qui emportera, escamotera ou, de quelque autre manière que ce soit, volera un livre, parchemin ou document de cette bibliothèque. L’absolution sera impossible sans retour de l’intégralité du document. »

J'aime bien les histoires classiques d'Alberto Manguel chez ultramarines. Les histoires sont très courtes, et modernisent des thèmes connus, tel celui d'Ulysse, qui en a vu de toutesles couleurs

Citation :

« Après Cumes, il avait plusieurs fois revu la Sybille, les yeux dans le vide parmi ceux qui avaient perdu la mémoire, pelotonnée avec les sans-papiers, errant en compagnie des demandeurs d'asile [...]

Il l'avait vue une fois, avec deux autres vieilles, traînée menottes aux poignets, à bord d'un avion, entre deux gendarmes : elle ne disait rien, mais les femmes sanglotaient et criaient, et les autres passagers paraissaient bouleversés. Une autre fois, elle se tenait parmi les voisins qui regardaient un petit Africain emporté de son école vers une voiture en attente, tandis que 'instituteur criait des insultes aux kidnappeurs. »

Je suppose que le texte a été écrit en français, la langue est très belle et se prête fort bien à une lecture orale.

illustrations de Rachid Koraïchi.

Citation :

Je suppose que le texte a été écrit en français, la langue est très belle et se prête fort bien à une lecture orale.

Pas du tout !

Traduit (et bien traduit) de l'anglais, Manguel, citoyen et écrivain canadien, écrit en anglais bien que vivant dans le Poitou.

Rotko, éclaire-moi: bien que je n'aie rien lu de lui, il est Argentin que je sache, maintenant il est canadien et écrit en anglais, c'est vrai ou c'est une blague?

Oui, né en Argentine, de nationalité canadienne, il écrit en anglais et vit en France, dans le Poitou. C'est, comme tu peux le voir, un auteur très apprécié en France par sa culture et des écrit pertinents.

une notice.

Beaucoup d'écrivains ont ainsi, de nos jours, une vie "internationale".

Il apparaît, voir les titres ci-dessus, comme une voix originale et documentée pour parler des livres et de la lecture.

Le Voyageur & la Tour, par Alberto Manguel. Trad. de l'anglais (Canada) par Christine Le Boeuf. Actes Sud, 162 p.,

méditation sur cette alchimie miraculeuse qui consiste à ouvrir un livre et à s'y blottir de longues heures en tournant le dos à la réalité, pour mieux la comprendre et la déchiffrer.

Pour esquisser le portrait idéal de ce qu'il appelle le "citoyen lecteur", l'auteur du Nouvel Eloge de la folie interroge tous les pionniers en la matière, de Dante à Flaubert et à Tolstoï en passant par Don Quichotte.