La mort du moine [traduit de l'hébreu par Emmanuel Moses] est un premier roman d'inspiration historique.
Il prend sa source dans l'affaire de Damas, sorte d'affaire Dreyfus qui se déroule au Moyen Orient, en 1840.
Un moine capucin et son domestique disparaissent de Damas, ville cosmopolite et multiconfessionnelle. On ne les a jamais retrouvé. Alors une épouvantable rumeur : des notables juifs auraient enlevé le moine, l'auraient égorgé pour recueillir son sang afin que le grand rabbin puisse, avec ce sang, fabriquer un pain azyme servant à la cérémonie de la Pâques juive.
La rumeur enfle, dressant musulmans et chrétiens contre les juifs, accompagnée de son cortège de délations et de calomnies vont bon train, d'autant que des membres de la communauté juive finissent par se dénoncer mutuellement.
Cette affaire aura des répercussions jusqu'en Europe, puisque les nations interviennent pour que soient grâciées (mais jamais réhabilitées) les malheureuses victimes de cette tragédie.
L'auteur est donc parti de ce contexte historique. Il a repris tous les personnages cités dans cette histoire et a décidé de mettre en avant Aslan, fils de Raphaël Fahri, commerçant riche, et gendre du rabbin Antibi, tous deux victimes des rumeurs.
Aslan est un garçon timide, couvé par sa mère qui le grime en fille, malmené par son père, qui ne supporte pas la mollesse et le côté efféminé de son ainé.
Aslan est effectivement plus attiré par les jeunes arabes qui vivent près de chez lui que par sa jeune épouse bigote qu'il ne parviendra jamais à vraiment "honorer".
Tourmenté par une homosexualité qui lui fait horreur et qui lui promet les pires tourments si cela vient à se savoir, Aslan, de petites mensonges en grandes lâchetés, devient celui par lequel l'affaire éclate et enfle.
Le roman se présente comme un récit rétrospectif. Aslan, âgé et malade, retiré dans un monastère après s'être converti au catholicisme, dicte à un jeune novice le récit de sa participation à l'affaire de Damas.
Passant de la 1e à la 3e personne, le narrateur semble parfois se regarder agir, comme un témoin des actions de cet autre lui-même, une sorte d'étranger qu'il ne parvient pas à assumer.
La phrase se déroule, fleurie, un peu à la manière des récits orientaux, mais le propos est assez souvent très cru.
Le parti pris de l'homosexualité comme moteur de toute cette affaire peut paraitre surprenant. L'auteur s'en explique dans l'entretien qu'on peut lire ici.
- Citation :
- BibliObs.- Quelles ont été les réactions à votre livre, notamment de la communauté gay?
A. Hilu._ Il y a eu deux types de réponses. Beaucoup d'homosexuels célèbres l'ont aimé. Ils ont déjà aimé le fait que mon héros soit homosexuel, ce qui n'a rien d'évident. Mais j'ai également été attaqué pour homophobie, parce que j'avançais qu'en dernier ressort, le comportement d'un gay aurait été la raison de toutes les choses terribles qui sont dans l'acte d'accusation. On m'a aussi reproché les passages où le personnage d'Aslan dit la haine qu'il a de lui-même. [...] Je peux comprendre ces critiques venant de gens qui se sont battus toute leur vie pour s'affirmer, pour s'aimer tels qu'ils sont. Et qu'est-ce que je leur raconte? L'histoire d'un garçon qui se hait, qui hait tout le monde. Mais nombre de juifs ont le même problème, ils haïssent le fait d'être juifs.